
Omar Nicho
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Master 2020Guitare
Né à Lima en 1992, Omar Nicho commence la guitare en autodidacte à l’âge de sept ans. En 2008, il entre au Conservatoire national de Lima et remporte deux 1er prix lors des concours « Ciudad de Lima » et « César Cortinas ». Il se produit dans des festivals internationaux en Amérique Latine. À partir de 2012, il poursuit sa formation au CRR de Paris grâce à une bourse du Patronato Peruano de la Música. En 2015, il intégrera la classe de Roland Dyens au CNSMDP, puis celle de Tristan Manoukian. Il est accompagné dans sa formation par Judicaël Perroy. Diplômé du master en interprétation et du DE, il se consacre à l’enseignement et à des projets interdisciplinaires mêlant théâtre, création audio-visuelle, design sonore, écriture et improvisation.
Heitor Villa-Lobos,
Études n° 10, 11 et 12 des Douze études pour guitare
Magnus Lindberg,
Mano a mano
Alberto Ginastera,
Sonata, op. 47
Juan Arroyo,
JH, hommage à Jimmi Hendrix
Le XXe siècle a signifié un changement de paradigme dans le domaine de la composition. D’une part, l’influence de Debussy incite à l’exploration du monde tonale, d’autre part Stravinsky propose une nouvelle manière de concevoir l’écriture. C’est une époque où surgissent de nouvelles esthétiques qui affecteront la créativité des compositeurs. Heitor Villa-Lobos est dans ce sens l’un des musiciens qui réussiront à faire la synthèse de ces deux influences. Installé à Paris, il publie sa série de Douze études pour guitare en 1929. Sur le plan musical, l’œuvre contenue dans ces études explore les limites de ce qui avait été écrit pour guitare jusqu’alors : il s’agit d’une des premières pièces du répertoire moderne écrit originalement pour guitare. D’un point de vue instrumental, la technique de la guitare n’avait pas été confrontée à une telle exploration gestuelle. Les études choisies (X, XI et XII) sont considérées par les guitaristes comme les trois « études de concert » de la série – probablement en raison de la complexité de leur écriture et de l’aspect démonstratif évident ; elles serviront de lien entre les trois œuvres majeures incluses dans le présent programme.
À l’heure actuelle, le monde musical que nous habitons s’est vu influencé par les esthétiques explorées au début de siècle passé, ainsi que par la musique d’avant-garde présentée à Darmstadt. Pierre Boulez propose le post-sérialisme en France tandis qu’en Allemagne, Karlheinz Stockhausen repousse les frontières de l’écriture en intégrant l’électro-acoustique à la « Neue Musik ». Dans le but de montrer la largeur du spectre esthétique correspondant aux différents styles d’écriture de notre temps, les trois pièces majeures insérées dans le présent programme ont été choisies en fonction des différences que chacune manifeste dans sa conception et son résultat sonore.
La Sonata, op.47 pour guitare de Alberto Ginastera (1976) est la première œuvre de ce genre écrite pour cet instrument. Le compositeur écrit cette sonate dans un langage avant-gardiste et propose une exploration du timbre et de la gestuelle reposant sur la dimension populaire à laquelle la guitare est intimement liée : l’instrument fait partie de l’imaginaire musical traditionnel de l’Amérique latine. En conséquence, Ginastera explore son pays d’origine, l’Argentine, loin des univers urbains, précisément dans le 4e mouvement , où se déchaînent progressivement les rythmes de la pampa. Cette danse frénétique est précédée d’un chant mélismatique (3e mouvement, Canto) lui-même accompagné d’accords nourris de timbres divers. Le Scherzo qui précède témoigne de la dimension créative du compositeur dans l’usage de sons inhabituels, toutefois présents sur l’instrument : il va les intégrer à la gestuelle du Scherzo ; le tout est introduit par l’Esordio¸ dans lequel Ginastera nous présente la guitare dans ce que sa sonorité a de plus ample et dans ce que l’instrument a de plus intime.
Mano a mano de Magnus Lindberg en 2004 est une pièce qui surprend par l’exploration de la dimension polyphonique de la guitare. Le compositeur se sert de l’instrument comme d’une « boîte à textures », en proposant une série de motifs qui pousseront l’interprète à orchestrer une écriture inhabituelle du point de vue rythmique : certains procédés nous rappellent la musique indienne, qui se sert de la dilatation rythmique des motifs pour engendrer des « carrures élastiques ». L’interprète se voit vite confronté à une gestuelle instrumentale proche de l’improvisation sur un texte à l’écriture orchestrale méticuleuse. Tandis que la forme et l’usage de cellules ou motifs pourraient nous faire penser aux procédés d’écriture de la période romantique ou moderne, Lindberg élargie cette manière d’écrire en repoussant les limites de la carrure. Les gestes musicaux rompent avec cette tradition, tout en s’inscrivant dans un univers tonal régi par ses propres règles.
En conclusion, JH, a tribute to Jimi Hendrix s’explique presque intégralement par son titre. Cette pièce est conçue par un compositeur dont « l’imaginaire guitaristique » s’est nourri d’une époque et d’un contexte géographique et culturel où la musique et les instruments électroniques étaient devenus presque une norme dans la création musicale. La sonorité de la guitare électrique intéresse particulièrement Juan Arroyo : il rapprochera les sonorités de guitare classique du monde électronique. Étonnamment, il ne se sert que du bois, du plastique et du métal présents dans l’instrument ainsi que de l’ensemble des possibilités offertes par les deux mains de l’interprète. Cette exploration du timbre propose un nouvel angle d’écoute de la guitare classique, en développant une gestuelle qui investit le corps de l’interprète de manière plus approfondie.