Histoire
Les étapes préalables
Deux établissements distincts ont présidé à la naissance du Conservatoire de Paris : l'école royale de chant et de déclamation (fondée le 3 janvier 1783 pour pourvoir l'Opéra) et l'école de musique municipale (fondée en 1792 pour former les instrumentistes de la Musique de la Garde nationale, phalange de volontaires républicains réunis par Bernard Sarrette en 1790).
L'école municipale fut officialisée le 8 novembre 1793 (18 brumaire an II), lorsque la Convention nationale décréta la création "dans la Commune de Paris" d'un Institut national de musique. Les conventionnels allouèrent un budget régulier à l'établissement et lui attribuèrent les instruments de musique confisqués aux émigrés.
Tous ces premiers établissements eurent François-Joseph Gossec comme directeur.
L'acte de naissance
Suivant un élan réformateur général (création en 1794 de l'école polytechnique et du Conservatoire national des arts et métiers), la Convention promulgue le 3 août 1795 (16 thermidor an III) une loi établissant le Conservatoire de musique, qui se substitue aux écoles précédentes.
L'établissement est administré par un directoire (Gossec, Méhul, Cherubini) dirigé par Bernard Sarrette, "commissaire chargé de l'organisation". Il diffuse un enseignement avant tout instrumental (vents surtout, et quelques classes de cordes et de clavecin). Outre la formation des musiciens, le Conservatoire a pour mission de concevoir une méthode pour chaque discipline et de participer aux fêtes nationales.
Il s'installe le 22 octobre 1796 dans les bâtiments de l'ancienne école royale de chant et de déclamation : Hôtel des Menus-Plaisirs, rue Bergère (actuelle rue du Conservatoire).
L'empire
Nommé directeur en 1800, Bernard Sarrette occupe le poste durant tout l'Empire.
La mission de l'établissement s'élargit alors à la formation des futurs pensionnaires de l'Opéra-Comique, du Théâtre-Italien et de la Comédie-Française. Le 3 mars 1806, une école de déclamation est ainsi fondée au sein du Conservatoire, qui prend le nom de Conservatoire de musique et de déclamation. Des cours de Danse, de Déclamation lyrique et dramatique, de Maintien théâtral et de Mouvement du corps viennent compléter le programme d'enseignement.
En 1806, François-Antoine Habeneck crée l'orchestre des élèves, avec lequel il donnera jusqu'en 1815 nombre d'exécutions lors des fameux "exercices d'élèves" (dont les premières auditions françaises de plusieurs symphonies de Beethoven). Sont également institués durant le directorat de Sarrette la Bibliothèque (pose de la première pierre le 4 août 1801) et le Grand Prix de Rome (1803, pour les élèves compositeurs).
Luigi Cherubini
Perçu comme une émanation de la Révolution, le Conservatoire est officiellement fermé sous la Restauration (1816), après la destitution de Bernard Sarrette (1814). Rebaptisé École royale de musique et de déclamation, l'établissement est réintégré aux Menus-Plaisirs du Roi et placé jusqu'en 1822 sous la tutelle de l'inspecteur général François Perne. Il retrouvera sa dénomination de Conservatoire de musique, avec la nomination de Luigi Cherubini (20 avril 1822).
Directeur jusqu'en 1842, Cherubini fera tout pour placer le Conservatoire à l'abri des tribulations politiques. Soucieux de renforcer la qualité de l'enseignement, il institue le système des concours d'entrée et de sortie, mène à bien l'achèvement des méthodes pédagogiques officielles, affermit l'enseignement du chant et ouvre de nombreuses classes, dont : Clavier pour le chant (1822), Piano pour les femmes (classe préparatoire, 1822), Piano pour les hommes (classe préparatoire, 1827), Harpe (1825), Contrebasse (1827), Trompette (1833), Cor à piston (1833), Trombone (1836).
Cherubini restaure en outre les concerts de l'Orchestre des élèves (1823), qui mèneront à la création de la Société des Concerts du Conservatoire, confiée à François-Antoine Habeneck (1828), et institue les " exercices " lyriques et dramatiques (1841).
Daniel Auber
Directeur de 1842 à 1871, Daniel Auber poursuit les orientations de son prédécesseur, qu'il adapte au goût de son temps.
Il renforce notamment l'enseignement de la voix et de la danse, et confie les classes à de grands artistes : Halévy (composition), Pierre Baillot (violon), Gilbert Duprez et Laure Cinti-Damoreau (chant), Henri Herz, Antoine Marmontel ou Louise Farrenc (piano).
Auber restaure aussi les anciens "exercices d'élèves" (1842) et œuvre à l'établissement d'un diapason uniforme, dont l'étalon est déposé au Conservatoire en 1852.
C'est également sous le directorat d'Auber que le Musée des instruments ouvre ses portes le 20 novembre 1864, suite à l'acquisition par l'état en 1861 de la collection d'instruments réunie par Louis Clapisson.
Ambroise Thomas et Théodore Dubois
Successeurs d'Auber, Ambroise Thomas (1871-1896) et Théodore Dubois (1896-1905) poursuivent l'œuvre jusque-là accomplie.
De nouveaux grands professeurs entrent dans l'établissement : César Franck, Charles-Marie Widor et Alexandre Guilmant (orgue), Louis Diémer, Édouard Risler et Raoul Pugno (piano), Martin Marsick (violon), Gabriel Fauré (composition).
De nouvelles classes s'ouvrent également : Histoire de la musique (1871), Alto (1894), Clarinette (confiée à Turban) et Harpe (confiée à Alphonse Hasselmans).
Gabriel Fauré
Directeur de 1905 à 1920, Gabriel Fauré s'efforce avant tout de rajeunir le répertoire et les méthodes de l'établissement.
Soucieux de préparer les futurs lauréats à la vie musicale, il ouvre le chant au répertoire du Lied, encourage la musique de chambre, élargit le répertoire à la musique des XVIe et XVIIe s., et oblige les élèves d'harmonie et de composition à suivre la classe d'Histoire de la musique (confiée à Maurice Emmanuel). Il ouvre par ailleurs les jurys des concours aux personnalités extérieures (Debussy, Ravel, Dukas, Messager) et institue les classes de Direction d'orchestre (1914), de Timbales (1914), d'Art mimique (pour les élèves chanteurs) et de Contrepoint (confiée à André Gédalge).
Fauré œuvre également au renouvellement des enseignants, faisant appel notamment à Maurice Vieux (alto), Maurice Maréchal (violoncelle), Paul Taffanel (flûte), Charles Tournemire et Marcel Dupré (orgue), Alfred Cortot et Marguerite Long (piano).
Il assure en outre le déménagement du Conservatoire, transféré en 1911 dans l'ancien Collège de jésuites (rue de Madrid).
Le temps de la guerre
Succédant à Fauré, Henri Rabaud (1920-1941) inaugure encore de nouvelles classes (Danse pour les jeunes filles, 1925) et appelle notamment Paul Dukas (composition, 1927), Marcel Moyse (flûte, 1932), Yves Nat (piano, 1934) et Charles Munch (direction d'orchestre, 1939).
L'étude des archives de l’institution pendant l’Occupation révèle que la direction du Conservatoire mène dès l’adoption du premier statut des Juifs (3 octobre 1940) une enquête pour recenser les enseignants et les élèves « israélites » : les enseignants du Conservatoire considérés comme juifs sont révoqués le 18 décembre 1940 ; en juin 1941, les élèves considérés comme juifs ne peuvent plus se présenter normalement aux concours ; le 25 septembre 1942, en application d’une note du ministre Abel Bonnard indiquant qu’« il convient de ne maintenir ou de n’admettre au Conservatoire aucun élève juif », ils sont informés de leur radiation.
Claude Delvincourt, qui a succédé à Henri Rabaud en avril 1941, mènera jusqu’en 1954 un grand nombre de réformes. Réalisant son projet ancien de créer une structure de formation au métier de musicien d’orchestre, il fonde en octobre 1943 l’Orchestre des Cadets du Conservatoire, qui dispense ses membres de la réquisition par le Service du travail obligatoire (S.T.O).
C'est à Claude Delvincourt (1941-1954) qu'incombe ensuite la rude tâche de diriger l'établissement pendant l'occupation allemande et les bouleversements de l'après-guerre. Pour éviter l'embrigadement d'élèves appelés au service du travail obligatoire, le nouveau directeur monte ainsi en 1943 l'Orchestre des cadets, qui demeurera après la guerre l'un des fleurons de l'école.
De nombreuses classes s'ouvrent sous son directorat : Saxophone (1942), cours élémentaire d'Histoire de la musique (1946), Percussion (1947), Pédagogie (1947), Culture générale et esthétique (1947), Danse (garçons, 1947), Musique de chambre (classe supérieure, 1947), séminaire d'Histoire de la musique (futur troisième cycle, 1948), Clavecin (1950), Ondes Martenot (1968).
Delvincourt nomme également de prestigieux professeurs, dont Pierre Fournier et André Navarra (violoncelle, 1941 et 1949), Norbert Dufourcq (Histoire de la musique,1941), Lucette Descaves (piano, 1941), Olivier Messiaen (analyse, 1942), Marcel Beaufils et Roland-Manuel (Esthétique, 1947), Darius Milhaud (composition, 1948), Lily Laskine (harpe, 1948), Charles Panzéra (chant, 1951) et Yvonne Lefébure (piano, 1952).
C'est lui encore qui mène à bien la séparation de la musique et de l'art dramatique (1946), aboutissant à la création du Conservatoire national d'art dramatique. Le Conservatoire de musique prend alors le titre de Conservatoire national supérieur de musique de Paris.
Le Conservatoire aujourd'hui
Soulignée par Delvincourt dès 1945, l'exiguïté des locaux de la rue de Madrid devient chaque année plus sensible. Mais c'est à Marc Bleuse (1984-1986) qu'incombe de préparer quarante ans plus tard l'implantation du Conservatoire dans le projet de Cité de la musique, décidé par le président Mitterrand en 1984. Et c'est Alain Louvier (1986-1991) qui assure le déménagement et l'installation de l'établissement à La Villette (inauguration : 7 décembre 1990).
De Marc Bleuse et Alain Louvier à Xavier Darasse (1991-1992) et Marc-Olivier Dupin (1993-2000), l'enseignement du Conservatoire n'a cessé entre-temps de se diversifier, aboutissant à une organisation en neuf départements, pour la plupart de création récente : Musique ancienne (1984), Son (1989), études chorégraphiques (1989), Jazz et musiques improvisées (1991), Pédagogie (1992).
Cette rénovation pédagogique s'est également manifestée dans l'ouverture de nouvelles classes, dont : Nouvelles technologies (1984), Direction de chœur grégorien (1985), Polyphonie de la Renaissance (1989), écriture du XXe siècle (1992), Improvisation générative (1992), Culture musicale (1992), Ethnomusicologie (1994). Elle s'est encore concrétisée dans la mise en place du Diplôme de formation supérieure (1994). Alain Poirier (2000-2009) réalisera nombre de projets, dont, en particulier la mise en place des trois cycles du LMD (Licence-master-Doctorat) pour se conformer au schéma initié par la déclaration de Bologne. Tout en préservant constamment ses valeurs, le Conservatoire a su, tout au long de son histoire, évoluer de façon remarquable. La mise en place du processus européen de l'enseignement supérieur au Conservatoire est l'un des plus récent témoignage de cette faculté d'adaptation, mise au service d'une meilleure reconnaissance des diplômes, d'une plus grande mobilité européenne des élèves et de la valorisation de la recherche. Après un court passage de Pascal Dumay, nommé le 1er septembre 2009 à la direction du Conservatoire, c'est Bruno Mantovani qui a pris les rênes de l'institution de août 2010 à juillet 2019. Emilie Delorme lui a succédé le 1er janvier 2020.
Un second Conservatoire National Supérieur a vu le jour à Lyon en 1980. De nouvelles dispositions statutaires consolidées en 2009 concernent les deux établissements publics à caractère administratif de Lyon et de Paris, placés sous la tutelle du ministère de la Culture et de la Communication.
Les directeurs
Bernard-Sarrette 1795-1822
Luigi Cherubini 1822-1842
Daniel Auber 1842-1871
Ambroise Thomas 1871-1896
Théodore Dubois 1896-1905
Gabriel Fauré 1905-1920
Henri Rabaud 1921-1941
Claude Delvincourt 1941-1954
Marcel Dupré 1954-1956
Raymond Loucheur 1956-1962
Raymond Gallois-Montbrun 1962-1983
Marc Bleuse 1984-1986
Alain Louvier 1986-1991
Xavier Darasse 1991-1992
Marc-Olivier Dupin 1993-2000
Alain Poirier 2000-2009
Pascal Dumay 2009
Bruno Mantovani 2010-2019
Émilie Delorme 2020-