
Lucile Dollat
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Master 2020Orgue – interprétation
Diplômée du CRR de Saint-Maur en orgue et en improvisation (classes d’Éric Lebrun et de Pierre Pincemaille), Lucile Dollat intègre en 2016 les classes d’Olivier Latry, Michel Bouvard, Thierry Escaich, László Fassang, Fabien Waksman et Jean-Baptiste Courtois au CNSMDP, où elle obtient les prix d’harmonie et de contrepoint et le master d’orgue avec mention très bien. Titulaire de l’orgue Cavaillé-Coll de l’église Notre-Dame de la Gare (Paris), de l’orgue historique de l’église Notre-Dame des Vertus (Aubervilliers), et suppléante du grand-orgue symphonique Abbey de l’église Saint-Vincent de Paul (Clichy-la-Garenne), elle s’est notamment produite avec l’Ensemble Intercontemporain et l’Orchestre de Chambre de Paris et bénéficie du soutien du Mécénat Musical Société Générale et de la Fondation de France.
Pierre Cochereau,
Boléro sur un thème de Charles Racquet pour orgue et percussions
Thierry Escaich,
Ground II pour orgue et percussions
Maurice Ravel,
Alborada del gracioso, transcription pour orgue de Lionel Rogg
Igor Stravinsky,
L’Oiseau de feu, extraits
Danse infernale de tous les sujets de Kachtcheï
Berceuse (L’Oiseau de feu)
Disparition du palais et des sortilèges de Kachtcheï
(Transcription pour orgue de Pierre Pincemaille)
Francis Poulenc,
Concerto pour orgue, orchestre à cordes et timbales en sol mineur
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À travers des œuvres d’horizons et d’esthétiques variés, allant du 20e siècle à nos jours, j’ai voulu présenter différents visages de l’orgue et évoquer plusieurs figures de musiciens et danseurs. Ce bel instrument, riche d’une multitude de couleurs, peut incarner de nombreux caractères. Placé sous le signe de la danse, du rythme, des inspirations hispanisantes, russes et jazz, ce programme m’est apparu telle une évidence. Il est composé d’œuvres à la fois originellement écrites pour orgue, mais aussi de transcriptions et d’une improvisation d’œuvres instrumentales et orchestrales. Un récital imaginaire qui reflète mes années passées au Conservatoire, mon intérêt pour l’improvisation et pour la musique d’ensemble, évoque le souvenir de mes années passées en écriture, au cours desquelles je me suis plongée au cœur des œuvres des grands maîtres… C’est en somme un moment de mémoire – un moment imaginaire où seraient présents sur scène à mes côtés les amis et collègues que j’ai côtoyés au Conservatoire.
C’est sur le fameux rythme du Boléro, que Pierre Cochereau improvisa en 1973 à la Cathédrale Notre-Dame de Paris aux côtés de Michel Gastaud et Michel Cals le Boléro sur un thème de Charles Racquet. Tout au long de cette improvisation, l’auditeur est entraîné par le rythme envoûtant et implacable du boléro, joué par la caisse claire. L’orgue épouse tantôt ce rythme ou se distingue en effectuant des accords majestueux et des lignes très lyriques. Ce Boléro suit une grande progression qui mène à une apothéose, puis revient au caractère subtil et pianissimo du début.
À la suite de cette improvisation saisissante, le Ground II de Thierry Escaich résonne comme un écho éclatant. On y retrouve toute la fougue et la créativité de l’improvisateur, le même lyrisme, la même énergie rythmique. Cette œuvre nous entraîne également dans d’autres contrées : on y trouve influences jazz et swing, un hommage à la danse anglaise à travers le « Ground », ici actualisé grâce à un caractère plus vif et rituel. Il y a aussi des moments extatiques et hors du temps, où l’orgue et les percussions se confondent, ainsi que des périodes de saturation rythmique et sonore…
Alborada del Gracioso (« Aubade du bouffon ») de Maurice Ravel est une œuvre marquée par la danse, des influences hispanisantes, des touches sarcastiques. Un socle très inspirant, sur lequel j’aurais volontiers laissé carte blanche à des danseurs pour couronner l’Alborada. Il y a une grande part de rêve et de sensualité dans cette œuvre qui, transcrite par Lionel Rogg pour l’orgue, dévoile de nombreux timbres de cet instrument. L’organiste se fait alors l’orchestrateur de cette œuvre et réalise avec finesse le juste dosage pour proposer une toute nouvelle interprétation.
Créé à Paris en 1910, le ballet L’Oiseau de feu d’Igor Stravinski a profondément marqué les esprits parmi les musiciens français. C’est ainsi que Pierre Pincemaille, organiste à la Basilique-Cathédrale de Saint-Denis a entièrement transcrit ce ballet pour orgue seul. À une Danse Infernale effrénée et très rythmée succède le monde onirique et plus rêveur de la Berceuse de l’Oiseau de feu. Le Finale vient clore le ballet en majesté, par un grand crescendo menant à une apothéose et des sonneries triomphantes.
Pour parachever ce récital, j’ai souhaité interpréter une pièce qui met en valeur l’orgue en tant que soliste. Mon choix s’est tout de suite porté sur le Concerto pour orgue de Francis Poulenc. Le compositeur a tant et si bien façonné la partie d’orgue, jusqu’à en exagérer les traits, qu’il est parvenu à lui donner vie. En écoutant cette œuvre, on assiste à une véritable pièce de théâtre : l’orgue incarne différents personnages. L’auditeur est aisément envahi par plusieurs sentiments : la crainte, la majesté, l’agitation, la joie, le pétillant, la passion, la nostalgie…
Il se dégage un enthousiasme et une énergie particulière dans l’interprétation de ce programme, dans le travail avec mes partenaires. C’est cette petite étincelle que j’ai à cœur de partager dans mon récital imaginaire.
Photo : © Djibrann Hass