
Jérémie Lafon
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Diplôme de 1er cycle danse classique 2020Danse classique
Dans un sens,
c’est mieux comme ça
Un questionnement personnel et humain
La thématique présente à la source de mon projet comme à son aboutissement peut se réduire à un mot : l’éphémère. Bien que je l’aie étudiée sous différents aspects, pour n’en retenir finalement qu’un champ assez restreint dans ma captation vidéo, celui du souvenir, elle résume les questionnements qui m’ont traversé tout au long de mon processus de travail.
Qualifier une chose d’éphémère, c’est la rapporter à une vision proprement humaine du monde : un rapport direct au temps, et à la vie dans sa durée. L’éphémère, dans mon imaginaire, insiste sur cette notion de début et de fin d’un être, d’une idée ou d’un événement. On ne peut retirer à aucune chose cette qualité. Dès lors que l’on pose l’existence du temps, tout devient éphémère sauf celui-ci. Il est la constante qui va rester et sur laquelle vont s’appuyer toute action, tout moment.
Ce questionnement personnel sur le rapport au temps, je l’ai retrouvé dans de nombreuses œuvres d’art et productions culturelles auxquelles je me suis intéressé récemment. Ces ressources ont joué des rôles très différents dans l’évolution de mon projet, certaines étant des points de départ de ma recherche, très éloignés du point où je me situe maintenant face à ces questions, d’autres ayant été des moyens de renouveler et d’alimenter mon propos.
Les sources de création

Mon cheminement a débuté par un travail autour de trois sources d’inspiration. La première a été l’œuvre du photographe espagnol Javier Castán. Son approche de la nature et de l’homme m’a beaucoup intéressé, et la question de l’intégration dans mon travail du rapport au temps très particulier qu’est celui de la photographie m’a semblé particulièrement stimulante. Ma deuxième source d’inspiration est un extrait du roman Flipper, 1973 de Haruki Murakami :
« – ‘Les choses que l’on peut perdre un jour ne sont pas importantes. L’éclat de ce qui est éphémère n’est pas un véritable éclat.’ C’est ce qu’on dit.
– Ah ? Qui ?
– J’ai oublié. Mais ça me paraît juste.
– Mais existe-t-il dans le monde une seule chose qui ne sera pas perdue un jour ?
– Oui, j’aimerais le croire. Et vous devriez le croire aussi.
– Je vais essayer.
– Peut-être suis-je trop optimiste. Mais tout de même pas complètement idiot.
– Je sais.
– Je n’en tire pas de gloire, mais cela vaut mieux que l’inverse. »
Il s’agit, dans le roman, d’une conversation entre le personnage principal et la secrétaire de son entreprise de traduction. L’ambivalence de la conversation m’a frappé : d’un côté, la question « existe-t-il dans le monde une seule chose qui ne sera pas perdue ? » est déjà très complexe ; d’un autre côté, la réponse à cette question, qu’elle soit positive ou négative, est elle-même vertigineuse : s’il existe une chose qui ne sera pas perdue, quelle dimension prend-elle, et s’il n’existe pas une seule chose qui ne sera pas perdue, alors quelle importance doit-on donner au monde, à nos actions ? Cette réflexion m’est finalement restée jusqu’à l’aboutissement du projet.

Enfin, le troisième élément déclencheur de cette recherche a été l’analyse du concept nietzschéen de l’Éternel Retour par Milan Kundera dans L’insoutenable légèreté de l’être. Le concept de Nietzsche pourrait se résumer ainsi : « Mène ta vie en sorte que tu puisses souhaiter qu’elle se répète éternellement », en en considérant l’aspect moral. Dans son roman, Kundera pose la question : « Peut-on condamner ce qui est éphémère ? », et souligne que « dans le monde de l’éternel retour, chaque geste porte le poids d’une insoutenable responsabilité. […] Si l’éternel retour est le plus lourd fardeau, nos vies, sur cette toile de fond peuvent apparaître dans toute leur splendide légèreté. » Ce qui m’a intéressé, c’est la réflexion que porte un des personnages du roman, Tomas, pour qui il est normal de ne pas savoir ce que l’on veut : « on n’a qu’une vie et on ne peut ni la comparer à des vies antérieures ni la rectifier dans des vies ultérieures. », et finalement, « ne pouvoir vivre qu’une vie, c’est comme ne pas vivre du tout. »
Aspects de l’éphémère
À partir de ces réflexions, plusieurs axes de développement ont guidé mon travail de composition. J’ai d’abord cherché comment il était possible de composer des instants, des esquisses de moments de vie, comme des « bulles de temps » éphémères. J’ai aussi tenté de matérialiser le temps dans l’espace et dans le corps. Je me suis interrogé sur l’importance donnée au mouvement, à sa variation d’un mouvement complètement éphémère à un mouvement qui reste dans le temps et dans l’imaginaire du spectateur. Cela m’a conduit à la question de la différence entre le caractère éphémère inhérent à une chose matérielle, et la nature éphémère du souvenir de l’homme, qui est immatérielle. C’est finalement cette dernière piste de l’éphémère du souvenir, la plus proche des œuvres sur lesquelles je me suis fondé au début de mon travail, qui a été la plus féconde et concluante.
Ces différentes problématiques, je les ai abordées tout d’abord théoriquement, puis dans un deuxième temps corporellement. Ce passage de la pensée au mouvement s’est révélé complexe. J’ai tenté d’appliquer dans la composition tout ce que j’imaginais, mais cela n’a pas été possible directement : j’ai pris conscience qu’il me faudrait passer mon vécu propre, sans quoi toute la matière que j’aurais créée et l’interprétation de mon projet auraient été vides de sens. En effet, une idée peut être pleine de sens sans être pour autant matérielle. À l’inverse, la démarche d’interprète ou de chorégraphe ne peut se réduire à une approche théorique ; celle-ci doit s’intégrer dans une approche physique et matérielle pour prendre sens. C’est dans cette transition vers la composition et l’interprétation via mon vécu que s’est imposé le choix du souvenir comme angle d’approche chorégraphique de la notion d’éphémère.
La qualité éphémère du souvenir

De nouveaux questionnements ont ainsi nourri l’avancée de mon projet : pourquoi oublie-t-on certains souvenirs ? Pourquoi ne nous reste-t-il qu’une partie de certains souvenirs ? Pourquoi me rappellais-je d’un moment en particulier et pas d’un autre ? Ces morceaux de vie qu’il me reste, les ai-je sélectionnés par choix ? Sont-ils représentatifs de ce que je suis, ou de la vision que j’ai de moi-même ? Ces détails qui me restent sont-ils biaisés ? Comment le souvenir évolue-t-il et se transforme-t-il avec le temps ? Puisque le souvenir est une vision subjective, modifiée et sélective d’un moment vécu, quelle importance a-t-il ? Est-ce utile de ressasser un souvenir ? Puis-je tirer des conclusions de celui-ci ? Mes souvenirs ont-ils une réelle importance ? Pour moi ? Pour les autres ? S’ils disparaissent, cela aura-t-il un réel impact ? Sur moi ? Sur les autres ?
Le but n’était pas d’apporter une réponse à ces questions. J’ai seulement créé, selon moi, une ouverture à ces interrogations, une invitation pour chacun à prendre conscience de sa propre relation aux souvenirs, à leur importance et à leur signification.
Il s’agit d’une enveloppe de papier fin contenant tout le poids d’une vie. Elle ne se déchire pas, elle s’étire seulement. À l’intérieur, le vécu se lisse et se distend. Cet objet porte un nom : souvenir.
(Poème personnel)
L’expression par la vidéo
Si je devais résumer l'ensemble de la vidéo, je dirais qu'il s'agit d'une évolution du rapport au souvenir, de sa prise de conscience à sa compréhension. J'ai choisi, comme je l'ai explicité avant, de partir de mon vécu et donc de souvenirs personnels. La première partie du projet vidéo correspond ainsi à la transcription de ces souvenirs propres à moi-même, dans des extraits de vidéos ou de films visibles et compréhensibles de façon plus universelle, entrecoupés par des moments de corps, représentatifs d'un ressenti personnel face à chacune de ces réminiscences.

La deuxième partie de la vidéo, correspondant au grand plan large, relève davantage d’une réaction à ces moments vécus, qui n’existent plus que de manière immatérielle. Que me reste-t-il de ces souvenirs ? Des traces dans mon corps, autour de moi, dans mon imaginaire ? Qu’est-ce qu’il ne me reste pas ? Finalement, que restera-t-il de tout ce vécu qui n’est déjà plus complet, et plus matériel ? Est-ce important qu’il reste quelque chose, ou certaines choses, ou rien du tout ?
La vidéo m’a permis d’exploiter des ressources que je n’aurais pas forcément pu utiliser dans un autre contexte. J’ai notamment pu incorporer des extraits de films, séquencer la danse d’une certaine manière, qui ne serait pas reproductible dans un contexte de scène, ou choisir ce que je donne à voir dans la découpe des plans, en imposant un certain regard au spectateur.
Le but du projet et le reflet de ma personne
En réalisant ce projet, je n’ai jamais prétendu apporter une quelconque réponse à tous les questionnements que j’ai soulevés. Aujourd’hui, je perçois simplement ce travail comme une exposition. Je présente mes réflexions, les choix que j’ai faits, mes sources d’inspiration, mon angle de vue singulier, mon vécu, ma danse. Je présente ce que je pense, ce que je fais et ce je suis aujourd’hui, en tant que danseur, en tant qu’interprète, en tant qu’étudiant, en tant qu’artiste, en tant que futur professionnel, en tant qu’individu.
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Quels enjeux de la danse classique aujourd'hui vous interpellent ?
En tant que futur danseur professionnel, étant en fin de cursus classique au CNSMDP, je pense qu’il s’agit d’une question que nous devons nous poser régulièrement, et à laquelle nous devons particulièrement réfléchir. S’il se trouve que nous présentons aujourd’hui, ou dans notre vie future, des œuvres du répertoire classique, je pense qu’il faut savoir pourquoi nous le faisons, et qu’est-ce que nous souhaitons partager avec le spectateur.
Un enjeu qui m’interpelle beaucoup est donc celui du message transmis au public lors de la représentation. En effet, lors de la création des œuvres du répertoire classique, la société était complètement différente. Je pense notamment aux places de l'homme et de la femme dans les ballets, et des personnes non-blanches, qui ont évoluées avec le temps. Cependant, au sein même des pièces du répertoire classique, les rôles des personnages n’ont pas forcément changé, et la dramaturgie reste évidemment la même. Cela me fait questionner la manière dont une œuvre classique doit être représentée en 2020.
Certaines changements ont pourtant été réalisés, plutôt récemment, au sein de plusieurs compagnies classiques. Je pense notamment au fait de ne plus de peindre les enfants en noir lorsqu’ils interprètent le rôle des « négrillons » dans La Bayadère, ou à la suppression du baiser du prince sur Aurore dans le ballet La Belle au bois dormant. Ces évolutions sont, je trouve, réellement importantes par rapport à l’impact que ces scènes peuvent avoir sur le spectateur, et notamment sur le spectateur jeune.
Mais pourtant ces choix sont très ciblés, et ne portent que sur des situations bien précises qui étaient jugées normales lors de la création de ces ballets et qui aujourd’hui choquent beaucoup, alors que le fond même de ces œuvres reste le même. La place des personnages ne change pas, et leur rôle dans le ballet reste identique, même s’il ne correspond plus à la société dans laquelle nous vivons actuellement. Ainsi, il me paraît extrêmement complexe de faire évoluer les valeurs que transmettent un ballet classique, car seules deux solutions me semblent possibles aujourd’hui : faire une refonte complète de la dramaturgie de l’œuvre et de son histoire en prenant en compte le rôle des personnages et les idées qu’ils transmettent, et les stéréotypes qu’ils perpétuent, ou à l’inverse conserver celle-ci, et sensibiliser le public sur ce qui est exposé dans le ballet, en expliquant le contexte dans lequel les œuvres ont été créées, et en quoi la vision de la société est différente aujourd'hui.
Ceci me fait m'interroger sur un double enjeu que représente alors la danse classique, qui est celui de l'actualisation et de la perpétuation de la tradition. Je pense qu’il s'agit là d'un questionnement qui va continuellement être en changement en rapport à l'évolution même de la société. Et j’ai l’impression que ce double enjeu n’est pas uniquement propre à la situation de scène et de représentation dont j’ai parlé précédemment, mais aussi à d’autres aspects de la danse classique, à savoir l’enseignement de celle-ci, ou l’évolution de la technique, par exemple. En effet, comment trouver la balance entre un enseignement traditionnel, qui est de façon inhérente plus proche de ce que pouvait être la danse classique « d’origine » (bien que celle-ci puisse être évidemment questionnée), et une enseignement actuel qui prend en compte de nouveaux enjeux de conscience du corps, et le changement de ces derniers avec notre temps ? Et la balance entre l'utilisation de la technique classique dite « académique » et l’utilisation de nouveaux pas et mouvements qui rentrent actuellement dans le vocabulaire classique et qui sont représentés sur des scènes de compagnies classiques internationales ?
À tous ces questionnements, sur lesquels j’ai un avis propre à ma personne et à ma situation d'étudiant en danse classique en fin de cursus, je ne peux évidemment pas apporter de réponse universelle et juste, puisqu'il ne s'agit que de ma seule opinion, et que ces réflexions vont constamment changer avec le temps. Cependant, je pense qu'il est important que tout futur, actuel, ou ancien danseur classique de formation ou de profession se pose ces questions-ci, puisqu’elles ont un enjeu inévitable sur notre société et la manière dont elle va changer ou rester la même.
Comment vous situez-vous dans le champ chorégraphique actuel ?
Après trois ans de formation essentiellement classique au CNSMDP, il pourrait peut-être sembler légitime pour moi de penser que je ne suis prêt à danser que des ballets ou des pièces qui présentent un vocabulaire classique. J’ai le sentiment que ce n'est pas le cas, même si bien sûr il s’agit de ce à quoi j’ai sûrement été le plus préparé, et que cela se rapproche au plus de ma zone de « confort », ou tout du moins de ma zone de capacité. Ainsi, bien qu’il s’agisse de ce dans quoi je pourrais être le plus à l'aise, je ne pourrais pas dire qu’il s’agit du seul endroit de la danse dans lequel je me situe actuellement. Je pense que cette vision est très fortement liée à mon intérêt porté à d’autres techniques de danse, que j’ai pu expérimenter ou travailler au Conservatoire, ou non. Mais elle est aussi liée à mes expériences de scène en tant qu’interprète, aux créations que j’ai réalisées, à ma formation en danse contemporaine à l'ENSDM où j’étais il y a trois ans, à ma participation à des cours, des stages ou des auditions dans lesquels j’ai traversé d'autres danses. Je pense, parmi de nombreux exemples, mais ceux-ci sont les plus récents, à ma participation au spectacle Cunningham x100 en 2019 ou à des pièces créées par d'autres élèves aux Ateliers Chorégraphiques du CNSMDP qui ont été des moments forts et tout aussi importants dans mon parcours artistique.
Ainsi, je me sens prêt à aborder différents matériels, qui se rapprochent plus ou moins de ce que j’ai pu expérimenter dans mon cursus ou dans ma vie en dehors de celui-ci. Et je dirais aussi qu’il s'agit finalement d'un réel objectif pour moi : à savoir une adaptabilité la plus grande possible aux propositions auxquelles je vais faire face dans le futur.
Qu'est-ce qui vous tient particulièrement à cœur dans votre engagement de danseur ?
La première chose qui me tient à cœur est très simple et évidente, et sûrement largement répandue dans le monde de l’art, mais elle est pour moi très importante et au centre de ce que je recherche dans la danse. Il s’agit de faire ressentir quelque chose au spectateur. Que ce soit une émotion qu’il n’a jamais ressentie avant, ou un sentiment auquel il peut s’identifier par rapport à son vécu. Je pense qu’il n’y a rien qui nous fait nous sentir plus vivant que de traverser une émotion, peu importe laquelle. C’est pourquoi dans tout ce que je crée qui touche de près ou de loin à l’art, mon plus grand souhait est de pouvoir toucher d’une certaine manière les personnes qui vont être en contact avec cette création. Cela s’applique aussi, dans la danse, à ce que j’interprète, et non pas seulement à ce que je produis essentiellement de moi-même. Je pense aussi qu’atteindre les gens par l’émotion peut se faire de beaucoup de façons différentes, et que je n'ai aujourd'hui exploré qu'une petite partie d'entre elles. Rien qu’avec un corps, les modes d’expression sont tellement divers qu’il me paraît énorme la quantité de manières de transmission d’émotion à explorer.
Cet élément là est sûrement un des premiers à m’être apparu depuis que j’ai commencé la danse. Mais actuellement, je pense qu’il n'est vraiment pas le seul à m’importer. En tant que danseur, j’ai la conviction que notre responsabilité est grande, et plus grande qu’on pourrait le penser. En disant ça, je pense notamment à la représentation scénique. Être sur scène, avec d’autres personnes ou seul, est un des rares moment où toute l’attention est focalisée sur nous. Tout le public, peu importe le nombre, porte son regard sur les danseurs sur scène, ou tout du moins sur la scène dans son ensemble. N’est-ce pas l’occasion de montrer, ou au moins de faire voir ou entendre ce que l'on a à dire ? C’est à la fois un lieu de grande liberté d'expression et de responsabilité. Et par là je n’entends pas que le danseur se situe au-dessus du spectateur et qu’il va exprimer la parole « juste ». Je pense simplement qu’il s'agit d'un moment particulier auquel tout le monde n'a pas accès, dont j’ai envie de tirer profit. Aujourd'hui, j’ai donc le souhait de pouvoir utiliser le moment de scène le mieux possible et de profiter de celui-ci pour communiquer, par l’intermédiaire du corps, mon engagement personnel, moral, et sociologique.
Sources de la vidéo
Extraits vidéos
• Linge étendu – Youtube
• Estampes, Debussy – Alain Planès
• Souvenirs goutte à goutte – Isao Takahata
• Les Amours imaginaires – Xavier Dolan
Musique
• Everlast – Labradford
• Ends of Tape – Dustin O’Halloran
Document écrit
Images, dans l’ordre d’apparition :
• 44Studio Campaign – Javier Castán
• Roses in Dublin – Javier Castán
• Extrait du plan large de la vidéo
• ''Il s’agit d'une enveloppe de papier fin contenant tout le poids d'une vie. Elle ne
se déchire pas, elle s'étire seulement. A l'intérieur, le vécu se lisse et se distend.
Cet objet porte un nom : souvenir.'' - Poème écrit par moi-même
• Souvenirs goutte à goutte – Isao Takahata
Inspirations et ressources
• Photographies de Javier Castán
• L’insoutenable légèreté de l’être – Milan Kundera
• Flipper, 1973 – Haruki Murakami