
Faustine Debrabant
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Diplôme de 1er cycle danse classique 2020Danse classique
La parole,
seule image de la pensée ?
Tout d’abord, j’ai beaucoup apprécié travailler sur ce projet. J’ai trouvé ça très enrichissant de pouvoir unir toutes les possibilités auxquelles nous avions accès pour pouvoir nous exprimer sur un sujet qui nous tient à cœur et nous interpelle.
L’influence des mots, de la parole m’intéresse depuis toujours. Tous les êtres-vivants communiquent grâce au langage. Nous, humains, communiquons plus facilement grâce à la parole. Nos ancêtres ont appelé un chat un chat et cela nous a permis de parler. Les mots nous suivent, nous accompagnent dans la vie de tous les jours. Ils deviennent pour nous anodins, ils sont pourtant si forts.
« Je sais que je ne suis pas le seul être pensant au monde parce que les autres hommes parlent comme moi pour exprimer leurs pensées. »
Descartes
Nous parlons pour connaître.
Nous parlons pour contester.
Nous parlons pour rêver.
Nous parlons avec les mots, le regard, la gestuelle, le silence.
L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible. Ainsi, nous pouvons remplacer « nous parlons » par « nous dansons » :
Nous dansons pour connaître.
Nous dansons pour contester.
Nous dansons pour rêver.
Nous dansons avec les mots, le regard, la gestuelle, le silence.
J’ai voulu que mon projet ait une évolution. Chaque geste est parole : de simples mouvements vers une danse. J’ai voulu faire ressentir tous les états, les sensations, les émotions que la parole peut nous provoquer.
J’ai eu recours aux montages sonores pour réaliser mon projet afin de montrer l’importance des mots et l’influence qu’ils peuvent avoir. J’ai tiré parti de deux grandes âmes : Martin Luther King et Edith Piaf.
Le premier mouvement est une entrée en matière. J’ai écrit un texte devenu audio pour appuyer mes pensées sur la parole. Je l’ai accompagné de différents états de corps en lien avec ce que je dis. A la fin du texte, je cite Martha Graham : « La danse est la langue cachée de l’âme. » Cette parole correspond à ce que je ressens lorsque je veux définir ce qu’est la danse.
Pour le deuxième mouvement, j’ai travaillé sur le discours « I have a dream » de Martin Luther King.
Un homme dégageant une grande force, qui s’est battu toute sa vie.
Ce qui m’intéresse sont les discours politiques ayant marqué l’Histoire. Comme prouve l’utilisation du terme « marqué », ces discours ont influencé une personne, une société, un monde. Des orateurs dégageant, grâce à la parole, quelque chose de fort, de puissant, d’éloquent et parfois quelque chose de vrai.
Je me suis inspirée d’un solo de Lisbeth Gruwez, It’s going to get worse and worse. Elle explique que c’est un solo qui parle de l’énergie qui se dégage de l’orateur, un corps qui est tellement emporté par ce qu’il dit qu’il sort de lui-même, comme en extase. C’est ce que je ressens lorsque j’écoute Martin Luther King. En effet, pour se faire écouter, il ne fait pas que parler, il se donne. Ainsi, j’ai voulu en dansant retranscrire ses paroles par le corps en m’appropriant son énergie et en me tenant debout face à la caméra comme lui se tenant droit face à la foule.
J’ai réalisé un montage audio en associant des extraits du discours de Luther King et un morceau de Mozart, le Concerto pour piano n° 21. Ce choix a un véritable sens. En effet, le discours « I have a dream » dégage selon moi deux grands mots : FORCE et ESPOIR. Ainsi, le morceau de Mozart fait ressortir le sentiment d’espoir et la voix de Luther King la force. Pour moi, il existe un lien étroit entre ces deux mots : l’espoir c’est ce qui nous donne la force de nous battre.
Sources
Outils Montage audio : Audacity / Montage vidéo : Imovie
Pour le troisième mouvement, je me suis inspirée d’une grande femme, Edith Piaf.
J’ai écouté de nombreuses interviews d’elle. Cette femme, différente de Luther King, dégage cependant, elle aussi, une grande force intérieure.
L’avis qu’elle porte sur la vie, l’amour, m’inspire beaucoup. Lors d’une interview, Piaf dit :
« Quand on se moque de l’amour, on n’est pas grand-chose dans la vie. » Cette parole est pour moi une grande vérité. C’est pourquoi j’ai décidé d’exprimer ce sentiment qu’est l’amour, qui est, pour moi, nécessaire dans la vie d’un Homme.
J’ai alors réalisé un montage audio avec des extraits d’interview et la version instrumentale de L’Hymne à l’amour, Une chanson très forte et inspirante.
J’ai décidé de faire un montage vidéo en plusieurs séquences pour ce mouvement pour donner à voir tout ce que l’on ressent lorsque nous parlons d’amour. Nous pouvons ressentir de la passion, du bonheur, de la tristesse, de la rancœur, de la colère… J’ai voulu montrer comme une rétrospective de ce qui se passe dans ma tête. C’est comme lorsque nous dansons, nous pensons et ressentons tellement de choses. Une fois encore, alors, j’ai envie de réutiliser la citation de Martha Graham : « La danse est la langue cachée de l’âme. »
Sources INA-interview Edith Piaf
Outils Montage sonore : Audacity / Montage vidéo : Imovie
Dans ce projet, je voulais que vous ressentiez une chose qui importe dans la vie : la parole. Lorsque nous écoutons les paroles de quelqu’un, nous pouvons incarner, ressentir, comprendre ses sentiments. Nous pouvons ressentir la même chose en regardant danser quelqu’un. La parole reflète l’âme, la danse reflète l’âme.
Selon moi, c’est donc à l’artiste, au danseur, de faire ressentir. Créer ne suffit pas, il faut transmettre.
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Que représente pour vous la danse classique ?
Tout d'abord, la danse classique me permet d'avoir un formidable terrain pour les émotions. Elle me permet de m'exprimer, de dégager des choses. Pour moi, cette technique permet l'évasion tout en dégageant des émotions concrètes. La danse classique est avant tout une passion. Je pense que si la passion n'existe pas, la danse se tait. Cette technique me permet une constante recherche de l'esthétique. Ce que j'apprécie dans la danse classique est la ligne du geste ; aussi l'exigence, la précision qu’elle m'amène. De plus, pour moi, danser, c'est dialoguer sans fin avec mon corps. Cette technique me recentre sur moi-même, me ressource. J'aime ce qu'elle me procure, elle me permet d'avoir un point d'ancrage, de ressentir au plus profond de moi ce que je souhaite dégager. La danse classique est aussi pour moi la scène. Chaque représentation est un voyage. Elle nous transporte hors du temps, dans un contexte précis, elle nous permet de voyager, de s'évader que ce soit pour le public ou pour le danseur.
Qu'est-ce qui vous tient particulièrement à cœur dans votre engagement de danseur ?
Ce qui me tient à cœur dans mon engagement de danseur est le partage. Nous sommes des artistes, nous dansons pour exprimer et transmettre des émotions, des pensées. Ce qui m'importe par-dessus tout est de pouvoir faire ressentir des choses aux autres. Peu importe la nature de leur ressenti, je pense que le plus important est qu'ils ressentent. Pour moi être danseuse est user de son âme, de son corps, de sa technique pour parler. Parler sans mot mais avec soi.
Quel est votre projet professionnel à court, moyen et long terme ?
Mon projet professionnel à court terme est d'être danseuse professionnelle. De pouvoir vivre de ma passion, danser sur scène devant un public. Continuer de découvrir cette symbiose entre danseurs et spectateurs. L'un ne peut vivre sans l'autre.
À moyen terme, j'aimerais enrichir ma danse, grandir, évoluer. Je voudrais agrandir mon univers, élargir mon panel d'expériences et m'enrichir de nouvelles rencontres notamment avec des chorégraphes (mais aussi d’autres danseurs, des lieux, des ballets, des professionnels d’autres métiers artistiques, …). Aussi, trouver une harmonie avec le public, pouvoir échanger avec eux. Pour finir, pouvoir ressentir le bonheur et la magie d'obtenir un rôle et de l'interpréter.
À long terme, je voudrais transmettre. Transmettre mon vécu. La danse évolue mais doit surtout continuer à vivre.
Si mon rêve se réalise, alors un jour, je transmettrai, à mon tour, aux autres ce que l'on m'aura transmis et qui m'aura permis d'avancer.