Retour d’expérience des figurantes de Didon & Enée
Mis à jour le 10 mai 2023
La production lyrique Didon & Enée, qui avait lieu du 4 au 11 mars 2023, a vu naitre un projet tout à fait nouveau au sein du Conservatoire de Paris : l’apparition au sein du cast de figurantes agentes administratives du CNSMDP, Nelly Moulin, secrétaire du département des disciplines vocales, Mariama Bah et Oissila Abdallah, gestionnaires au sein du pôle planification des activités pédagogiques.
Retour sur cette expérience inédite avec ses trois figurantes et Gilles Oltz, chef du département des disciplines vocales, à l’initiative de ce projet.
Quelles ont été vos motivations pour participer à cette production ?
Mariama : Lorsque Gilles Oltz est venu à notre rencontre pour nous proposer ce projet, ma motivation principale a été la découverte. Je me suis dit : « pourquoi ne pas tenter cette aventure » !
Oissila : De mon côté, il y avait plus d’hésitation. J’ai beaucoup réfléchi pour finalement lâcher-prise et accepter.
Nelly : Pour moi la motivation n’était pas immédiate, en raison de l’appréhension de monter sur scène, ce qui n’est pas un exercice facile et je n’étais pas forcément prête à affronter cela. Mais après plusieurs échanges et de force de conviction de la part de Gilles, je me suis laissée tenter.
Comment vous êtes-vous impliqué dans la préparation et dans l’organisation de ce spectacle ?
Mariama : Dès le début de la préparation du spectacle, le metteur en scène, Marc Lainé, nous a clairement expliqué l’ensemble du déroulé de la production. Nous avons suivi ce parcours sans difficulté particulière, en se laissant porter et guider tout au long de la préparation.
Oissila : J’ai ressenti de l’harmonie entre les différents membres du projet et en tant que figurantes, nous n’étions jamais laissées de côté. Nous avons vraiment vécu cette aventure pleinement intégrées aux artistes.
Quels étaient vos rôles durant le spectacle ?
Mariama : Nous avons joué différents rôles dans cette production. Dans le Prélude tout d’abord, il y a cette scène où nous sommes les victimes de la guerre, où nous mourrons et devenons des fantômes qui allons suivre nos meurtriers, hanter nos bourreaux.
Ensuite, il y a la partie dans l’opéra Didon et Enée, où nous faisons partie de ce groupe de réfugiéˑes qui va être le témoin de l’amour naissant entre Didon et Enée.
Comment avez-vous trouvé l’ambiance et la collaboration avec les autres participantˑes (étudiantˑes, musicienˑnes, chef d’orchestre, metteur en scène) ?
Oissila : J’ai personnellement constaté une très bonne ambiance et une très bonne entente entre les étudiantˑes, le metteur en scène, le chef d’orchestre et l’orchestre. Je trouvais agréable cette bonne entente.
Mariama : Il y avait de la bienveillance de la part de l’équipe de production, de la rigueur certes, mais beaucoup de bienveillance. Être au cœur des répétitions est une belle opportunité de constater l’exigence de jeu et d’interprétation de l’orchestre notamment. Cela permet aussi de constater l’évolution des étudiantˑes au fil de la production.
Avec Marc Lainé, le travail de mise en scène était très intéressant car il nous a expliqué ce qui était attendu de notre rôle et, si nous n’y parvenions pas, il proposait de moduler la mise en scène selon notre ressenti et la façon dont nous pouvions le faire.
Nelly : En effet, il nous a laissé une certaine liberté en nous exposant une directive puis en nous proposant de faire les choses telles que nous les sentions. C’est une réelle découverte du spectacle vivant : chaque représentation est différente de la suivante, car il y a cette part de ressenti chez chacun et chacune qui rend chaque spectacle unique.
Mariama : C’est précisément ce qui était superbe, car chaque soir ce n’était jamais la même chose. Nous avons aussi ressenti des instants de trac, et ce qui est extraordinaire dans cette aventure c’est que nous avions cette appréhension puis, une fois le spectacle commencé, nous étions pleinement engagées dans la scène, en action.
Nelly : Et par moment, nous n’avions pratiquement pas envie de sortir de scène ! Nous avions peur d’y entrer la première fois pour finalement ne plus avoir envie d’en sortir !
Qu’avez-vous appris de cette expérience ? Quel enseignement pouvez-vous en tirer dans votre vie de tous les jours ?
Oissila : Je me dis aujourd’hui que je suis capable de faire d’autres choses, de nouvelles expériences et sortir de ma zone de confort. Cela m’a permis de prendre aussi confiance en moi, chose que j’ai du mal à faire par moment.
Mariama : En tant que membre du Conservatoire, il n’y avait pas d’appréhension pour moi, mais plutôt un « pourquoi pas, allons-y ! ». Mais il y a tout de même ce moment particulier où le cœur bat, et c’est une belle émotion. C’est aussi mon état d’esprit au quotidien : ne pas se limiter et lâcher prise lorsque l’opportunité se présente.
Cela nous a également permis de découvrir le travail des collègues de la production. Derrière la scène, tout le travail et l’investissement, à la fois des étudiants et de l’équipe, est impressionnant. Pour parvenir à offrir au public, au spectateur cette représentation, il faut avoir conscience de tout le travail préalable, en plus d’une envie de donner et partager. Et nous avons eu de la chance de faire partie de ce groupe, c’était beau.
Nelly : Il faut effectivement saluer le travail de toute la production qui effectue un travail colossal, en toute bienveillance et patience. Le travail des étudiantˑes également est mis en avant avec ce type de production, et à cette occasion j’ai beaucoup appris.
C’est une expérience enrichissante à titre personnel : en poussant la porte vers une activité qui nous sort de notre zone de confort. On en tire une petite fierté aussi, cela nous grandit.
Aimeriez-vous participer de nouveau à des aventures décalées de votre quotidien comme celle-ci ? Et que diriez-vous pour inviter vos collègues à s’impliquer aussi dans ce genre de projet ?
Mariama : Nous sommes tous capables de choses ordinaires ou extraordinaires. Il faut simplement le vouloir et ne pas être trop strict avec soi-même. Accepter l’imperfection, ne pas se comparer à l’autre, qui fera les choses d’une autre façon.
Cette expérience c’était surtout pour moi la joie de créer du lien autrement.
Cela a changé votre regard sur le Conservatoire ?
Mariama : Pas nécessairement sur le Conservatoire en tant que tel, mais sur les êtres humains que l’on y croise et sur les étudiantˑes. Je l’ai constaté lors de la dernière soirée de représentation, qui fut chargée en émotions : un mélange de joie et de nostalgie qui, d’un coup, s’est emparé de nous.
Merci à Bruno, Magid, Pascale et toute l’équipe sans aucune exception pour ces doux moments de rires et sourires.
Merci à Bérengère pour l’accompagnement et la bienveillance dont elle fut l’un des maillons. Elle aurait mérité aussi de monter sur scène et cueillir l’enthousiasme du public.
Gilles Oltz, en tant qu’initiateur de ce projet, quel est votre point de vue sur cette expérience ?
Gilles : Je suis très ému d’entendre leurs retours d’expérience, qui dépassent tout ce que j’avais imaginé au départ. J’adorais l’idée que l’on puisse se faire rencontrer les agentˑes, les différents services et les étudiantˑes pour partager une émotion, un projet. Une occasion de montrer ce que nous faisons à des agentˑes, parfois un peu éloignés de la pédagogie.
Nelly, Oissila et Mariama ont joué le jeu à fond. Et c’est si plaisant de voir qu’avec beaucoup de simplicité et d’envie, on peut faire des choses complètement en dehors des sentiers battus.
Ce qui m'a profondément marqué, c'est la capacité de ces trois figurantes à relever des défis scéniques parfois très difficiles, comme chuter avec naturel et conviction. Le public n'a pas su discerner qu'elles n'étaient pas des étudiantes avec une formation en art dramatique, tant leur intégration dans le spectacle était réussie.
J'espère que ce type de projet sera développé davantage, car il permet non seulement de mettre en avant le travail artistique, mais aussi de sensibiliser à la diversité des métiers et services nécessaires pour le réaliser. C'est une occasion de renforcer la cohésion des équipes et de montrer l'importance des différents services impliqués, de la production à la régie, en passant par l’accueil, les RH, les finances, le bâtiment, le parc instrumental, l'audiovisuel, la communication et bien d’autres encore.
Cette aventure collective est un motif de fierté pour nous tous !