Musiques mixtes
Mis à jour le 30 janvier 2025
Depuis sa création il y a quelques dizaines d’années, la musique mixte n’a cessé d’évoluer au gré des évolutions technologiques ou esthétiques. La transmission et la diffusion de ce répertoire sont aujourd’hui fragilisées par des facteurs multiples : obsolescence rapide des patches informatiques due à l’évolution des versions logicielles et des systèmes d’exploitation, frugalité des informations concernant les systèmes et les dispositifs électroniques de diffusion, absence d’indications concernant l’interprétation des parties instrumentales et électroniques… Le Conservatoire de Paris se propose d’organiser, chaque saison, des résidences au Plateau 1 afin de partager et de documenter des œuvres pour instrument soliste de ce répertoire. Entretien avec Alexis Ling (chef du service audiovisuel), Jacques Warnier (réalisateur en informatique musicale au sein du service audiovisuel), Clément Carpentier (chef du département des disciplines instrumentales classiques et contemporaines) et Denis Vautrin (chef du département musique son image).
Qu’appelle-t-on la musique mixte ?
Il s’agit d’une musique associant un ou plusieurs instruments acoustiques à un dispositif informatique de traitement en temps réel ou de restitution de sons fixés au préalable. Cette partie « électronique » est spatialisée et diffusée via un système de haut-parleurs. La musique mixte est destinée à être interprétée au disque et en concert.
Pourquoi le répertoire de cette musique est-il aujourd’hui fragile ?
En général, la transmission de la musique mixte se fait oralement, entre compositeur·rices, interprètes et réalisateur·rices en informatique musicale (RIM). Il est indispensable, sous peine de voir ce répertoire unique s’altérer ou – pire – disparaître, d’enrichir les informations disponibles sur ces œuvres tant que leurs acteur·rices majeur·es sont vivant·es.
Comment le Conservatoire entend-t-il y remédier ?
Il s’agit de réunir les différent·es acteur·rices de cette musique : étudiant·es interprètes spécialisé·es, compositeur·rices, RIM et sonorisateur·rices, afin de transmettre et de partager ce répertoire à un large public interne et externe. Chaque résidence, d’une durée de cinq jours, comprendra un temps de répétition de l’œuvre avec sa partie électronique, une masterclasse avec l’interprète, le ou la RIM ou le ou la compositeur·rice ayant créé l’œuvre, puis deux temps de restitution de l’œuvre en public. Les musicien·nes interprètes, étudiant·es du cursus de troisième cycle Artist Diploma - Interprétation Création, seront préparé·es par Hae-Sun Kang, professeure référente et soliste de l’Ensemble intercontemporain. Les étudiant·es RIM seront encadré·es par Jacques Warnier et Augustin Muller, RIM respectivement au Conservatoire de Paris et à l’Ircam.
La masterclasse sera donnée – dans la mesure du possible – par les acteur·rices de la création de l’œuvre. Une interview publique du compositeur ou de la compositrice, du ou de la RIM, de l’interprète ayant créé l’œuvre sera réalisée dans un but documentaire. L’enjeu est, comme cela est pratiqué en muséographie, de fixer les intentions des créateur·rices, de les interroger sur leur conception de l’interprétation, de la place laissée aux interprètes, mais également de connaître quel résultat sonore a été recherché, et ce qu’il faut préserver afin d’assurer sa pérennité. Toutes ces interventions seront filmées et enregistrées afin de garder trace des informations transmises.
L’évolution constante de la technologie engendre-t-elle des débats spécifiques au répertoire de la musique mixte ?
Oui, les effets sonores sont inscrits dans le temps, datés. Aussi, l’une des questions que nous nous posons est la suivante : est-il possible et souhaitable de les transposer selon les technologies actuelles – tout comme, dans l’histoire de la musique, on a interprété au piano des œuvres écrites initialement pour le clavecin –, ou bien est-il nécessaire d’utiliser ou d’émuler les processeurs de traitements sonores utilisés lors de leur création, afin de préserver une signature sonore ? Ce sont des questions comme celles-ci que nous nous poserons avec les compositeur·rices…
Au sein du Conservatoire, quels sont les enjeux pédagogiques de ce travail sur la musique mixte ?
Les enjeux pédagogiques sont multiples et concernent les musicien·nes interprètes et les étudiant·es en classe de composition, les étudiant·es du département musique son image qui participeront à la captation ainsi que les étudiant·es en RIM du cursus Artist Diploma. L’objectif est de permettre au plus grand nombre d’étudiant·es de découvrir ce répertoire, ainsi que de créer une appétence pour son interprétation et sa transmission à un large public.
En quoi le Plateau 1 dispose-t-il d’une technologie adaptée à ce genre de défi ?
Le Plateau 1 dispose d’un dôme immersif de 48 enceintes qui offre à la fois la possibilité de spatialiser les sons en 3 dimensions, mais également d’augmenter l’acoustique en simulant la réverbération de salles de diverses tailles. Cet équipement est particulièrement adapté puisqu’il permet de reproduire la totalité des systèmes de spatialisation existant dans le répertoire mixte. Son acoustique maîtrisée et son faible temps de réverbération natif facilitent une écoute analytique nécessaire au travail d’équilibre sonore entre l’amplification de l’instrument acoustique et l’électronique.
Musiques mixtes, un enjeu de transmission11 février 2025 – 12h et 13h30 |