Les trajectoires croisées du son et de l’image : entretien avec François Longo
Mis à jour le 10 avril 2024
Depuis la rentrée, la formation supérieure musique, son, image propose une nouvelle mention « Image ». François Longo, étudiant du département au profil pluridisciplinaire et aux multiples univers, partage dans cet entretien le rapport qu’il a progressivement développé avec le son et l’image durant son parcours, et l’importance que revêtent ces deux matières dans l’industrie musicale d’aujourd’hui.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
J’ai suivi un cursus de double licence en sciences et musicologie à Sorbonne Université, avant d’entrer en formation supérieure aux métiers du son. À mon arrivée dans ce cursus, j’avais pour objectif de profiter au maximum des ressources du Conservatoire, y compris de la variété de projets et genres musicaux que l’on y rencontre. Je souhaitais multiplier les projets d’enregistrements de différents genres (musiques actuelles, musique classique, jazz, etc.) et exploiter au maximum les temps au studio.
J’ai également souhaité développer tout l’aspect vidéo : clips musicaux, captations d’enregistrements, de concerts et j’ai notamment pu réaliser des projets avec la danse, ce qui était une très belle expérience en tant que musicien. J’aimais également travailler sur des projets de programmation musicale, surtout pour la musique contemporaine et l’improvisation générative.
Je suis heureux d’avoir pu expérimenter ces disciplines différentes. Au Conservatoire, les étudiantˑes ont cette envie de croiser les esthétiques, de bouleverser les frontières et nous avons la chance d’avoir de nombreux univers dans un même établissement. C’est une expérience principalement basée sur la motivation, où chacun invente son parcours, sa trajectoire.
Pourquoi avez-vous choisi les métiers du son ici au Conservatoire ?
J’ai connu cette formation lorsque j’étais au lycée. Je faisais de la musique, avec l’ambition de devenir professionnel. C’est une période assez déterminante où nous devons choisir notre orientation, avec beaucoup de questionnements. Je savais que la musique était importante dans ma vie et que je souhaitais persévérer dans ce domaine, mais j’avais également cet attrait pour les matières scientifiques et les métiers d’ingénieurs. Je cherchais quelque chose qui me permette d’aborder tous ces univers.
Les métiers du son pour moi correspondent à cela, parce qu’ils offrent toute une palette de métiers très variés. Pouvoir faire cette formation au Conservatoire de Paris, c’était intégrer l’une des meilleures formations, puisqu’elle offre de nombreuses ressources, matérielles et humaines pour apprendre.
Comment est né votre intérêt pour la réalisation d’images ?
J’ai toujours fait de la vidéo, en famille puis au lycée : des clips vidéo, du montage, de la communication vidéo, etc. Avant même de savoir que je voulais faire du son, j’avais déjà expérimenté le montage, l’écriture de scénarios et la réalisation vidéo.
Puis en arrivant au Conservatoire, lorsque nous avons réalisé les première vignettes des Récitals imaginaires, j’ai pris le poste de réalisation vidéo et je m’y suis beaucoup investi. Depuis, on m’a proposé de faire d’autres réalisations vidéo, dont le concert de Kassandre.
Comment avez-vous vécu l’expérience du concert de Kassandre ?
C’était une expérience très riche puisque j’étais très bien encadré, notamment par Jean-Christophe Pontiès en tant que tuteur réalisation, qui connaissait très bien le lieu et les moyens d’optimiser les plans de caméra. Durant ce tournage, je cherchais à avoir du mouvement, à créer quelque chose de très dynamique et visuel : à partir de cette idée, nous échangions sur la faisabilité des choses. Ces discussions entre tuteur et étudiant ont été formatrices !
C’était aussi la première fois que je collaborais avec des cadreurs professionnels, qui ont immédiatement compris mes envies de réalisation et ont même été force de proposition. La réalisation en direct est un exercice complexe car tout va très vite, c’est pourquoi le visionnage de la répétition générale permet de préciser encore plus l’esthétique et la « chorégraphie ». C’est un moment formateur, où l’on peut pousser la qualité de la production encore plus loin. On pointe ce que l’on souhaite ou ne souhaite pas, on repère les instants importants à ne surtout pas manquer et on échange. Les cadreurs me précisent ce qui est difficile pour eux de capturer, ce qu’ils ont constaté de leur point de vue sur le plateau, à la différence de moi en régie…
J’ai aussi réalisé pendant cette captation que, sans mes expériences précédentes, je n’aurais pas su pleinement exploiter les outils à ma disposition. C’est une belle expérience lorsqu’on a déjà fait de la réalisation vidéo et que l’on souhaite aller encore plus loin dans cette pratique.
Cette expérience était conduite avec un conseiller musical ?
Tout à fait, j’ai travaillé sur ce projet avec Léo Côtez, qui est maintenant en 3e année de FSMSI, mention son. Cette collaboration m’a permis de me libérer un peu plus de la technique, pour veiller au discours que je souhaitais transmettre.
Comment pensez-vous que la formation proposée par le Conservatoire de Paris puisse enrichir le métier de réalisateur d’images dans la musique ?
Il n’y a aucune autre formation, je pense, où il y a des sujets à filmer 7 jours sur 7. L’avantage pour la FSMSI, tant pour la vidéo que pour le son, c’est que l’on évolue au quotidien avec les personnes que l’on enregistre et que l’on filme : cette proximité donne lieu à de nouveaux projets !
Aussi, en tant que réalisateur vidéo, il est essentiel de posséder des connaissances sur ce que l’on filme, et de savoir communiquer avec les musicienˑnes, chefˑfes d’orchestres, danseurˑses, etc. Cela s’acquiert à force de faire des projets et en discutant ensuite avec ces personnes, qui font part de leur ressenti, de leurs besoins ou frustrations. Certaines deviennent nos amiˑes et nous développons ensemble notre manière de travailler. Cette proximité est un réel apprentissage et un réel avantage pour la suite, car nous développons ici un réseau assez conséquent.
Pensez-vous que les nouvelles ressources qui sont associées au projet de Conservatoire augmenté pourront contribuer à valoriser et accompagner le travail des étudiantˑes du département et si oui, de quelle manière ?
Pour la mention son spécifiquement, ce sont des nouveaux espaces de création, en particulier le Plateau 1, qui est un lieu vraiment unique. C’est un endroit immersif multidisciplinaire très agréable pour nos répétitions et les applications sont multiples. Le studio 3D permet également de très grandes possibilités. Selon moi, les projets de musique contemporaine hybrides, orchestre et électronique dans ce type d’espaces sont très adaptés. Ces nouveaux outils permettent de dépasser de nouvelles limites, à nous d’avoir la créativité nécessaire pour en faire le meilleur usage, mais je suis certain qu’au Conservatoire nous avons toutes les ressources pour cela !
Nous découvrons chaque jour de plus en plus de projets immersifs, et la dimension d’immersion « visuelle » reste pour l’instant assez balbutiante : être proactifs sur cet aspect, en créant de nouvelles manières de travailler et d’expérimenter, c’est aussi se placer sur le devant de la scène d’aujourd’hui.
Quels sont vos projets futurs ou vos aspirations en matière de carrière dans les métiers du son et de la réalisation d’images ?
J’aimerais conserver une certaine pluridisciplinarité, cette envie de toucher à tout qui m’a toujours porté. Selon moi c’est une force, car même à l’occasion d’un projet où mon rôle est bien cadré, cela me permet aussi de prendre en compte les contraintes et possibilités des personnes avec lesquelles je travaille, c’est extrêmement bénéfique.
Actuellement, je travaille en tant que musicien ou producer sur différents projets de musique pop-rock, mais aussi d’improvisation générative. J’apprécie aussi de travailler sur des enregistrements jazz ou free jazz, genres où le son a un fort impact notamment sur la création de l’album.
Je conserve tout de même une certaine activité live en tant qu’ingénieur du son auprès de groupes que j’accompagne sur leurs concerts.
Parallèlement à cela, je débute une thèse en acoustique musicale, autour de la simulation d’instruments à cordes à Sorbonne Université.
Dans mes projets futurs, j’aimerais garder la possibilité d’être réalisateur vidéo. Multiplier les compétences permet d’avoir une vision globale ainsi que des échanges efficaces avec les équipes. C’est notamment le bénéfice de tout ce que j’ai appris ici, par cette opportunité de pratiquer tous ces métiers et de les comprendre.
J’ai besoin de cette variété !
Quels conseils donneriez-vous aux potentiels candidats, intéressés par cette double compétence en son et en image, pour les encourager à tenter le concours ?
Ce que l’on recherche au Conservatoire, ce ne sont pas des profils qui sont excellents en sciences ou en mathématiques, ce sont des personnalités qui ont des choses à raconter. C’est une notion clé : nous travaillons sur des narrations, et ce sont celles-ci qui nous portent et nous font évoluer.
Pour prendre un exemple, je dirais que c’est la même chose pour l’instrumentiste : il ne s’agit pas d’être de parfaits virtuoses de nos instruments et d’exceller dans la technicité, mais d’être avant tout des musiciens et musiciennes. Si l’on parvient à raconter quelque chose, à transmettre un message, même avec des limitations techniques, c’est selon moi le plus important. Il ne faut donc pas avoir peur.
Y a-t-il des réalisateurs, vidéastes ou professionnels de l'image et du son qui vous ont inspiré dans ces deux domaines ?
J’ai beaucoup grandi avec le rock progressif et psychédélique, donc des musiques assez créatives et ouvertes sur des mélanges. Les captations de concerts et de spectacles m’ont également beaucoup donné envie de faire de l’image. Et j’y suis encore plus sensible maintenant, car ce regard particulier sur la réalisation est venu à force de pratique.
Aujourd’hui, il est de plus en plus rare de rencontrer de la musique sans de l’image. Se pose donc la question de ce que l’on fait avec l’image, ce que l’on raconte. Il s’agit de nouer le dialogue et de faire correspondre l’image à l’esthétique que l’on souhaite montrer musicalement.
Ce sont des sensibilités que j’ai développées en y étant directement confronté, je me suis intéressé à ce qui existait dans ce domaine (clips et spectacles notamment). C’est un milieu très créatif, très libre, c’est même l’un des rares endroits où l’on a autant de liberté visuelle.
S’il y avait un verbe pour vous définir, qui résumerait la place à laquelle vous vous situez aujourd’hui ?
Je dirais « essayer » car lorsqu’on essaye, finalement on fait, on réalise, on concrétise les projets. On risque, ce qui est, selon moi, fondamental.
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Photo © Justine Huet