Le pôle santé du Conservatoire de Paris : vers un élargissement des missions en faveur de l’ensemble des étudiantˑes
Mis à jour le 04 avril 2022
Dans le cadre du projet d’établissement, le Conservatoire de Paris tend à se doter d’un pôle santé à destination de l’ensemble des étudiantˑes, jusqu’ici essentiellement orienté vers la direction des études chorégraphiques, avec l’ambition de prendre en compte les questions médicales propres aux musicienˑnes.
Cette démarche s’inscrit dans la volonté d’une coordination d’un certain nombre d’acteurs de la santé, disponibles pour l’ensemble des étudiantˑes. Une approche inédite présentée par Marine Thyss, directrice adjointe du Conservatoire de Paris et Thomas Mamou, médecin du sport et coordinateur du pôle santé.
Pouvez-vous nous décrire la politique du Conservatoire s’agissant de la santé des étudiants ?
Thomas : Initialement, l’équipe médicale du Conservatoire s’est formée autour d’un pôle santé danse, destiné à accompagner une performance sportive artistique. L’objectif étant de s’assurer de l’état de santé de chaque danseurˑse et de veiller à ce que la pratique sportive ne soit pas un risque, au cours d’un bilan prérequis. Ce dernier permet de confirmer l’aptitude à pratiquer un sport à une telle intensité.
Le pôle santé accompagne l’étudiantˑe en danse dans l’excellence de son activité, en cherchant les points à améliorer pour lui permettre de progresser dans son activité sportive. Cet accompagnement peut se traduire par un travail de rééducation lors de blessures préexistantes, par une préparation physique générale préparant le corps à l’effort physique ou encore par un suivi nutritionnel, en vérifiant que les apports sont suffisants à la demande énergique des danseurˑses sur un volume de 20 à 25 heures de travail par semaine en moyenne.
Les musicienˑnes ne travaillent pas avec la même intensité d’effort physique, ce qui n’exclue pas pour autant l’apparition de troubles musculosquelettiques, des blessures et douleurs. C’est une approche différente car axée sur des micro-traumas : des répétitions de petits mouvements pouvant entrainer des tendinopathies, des douleurs articulaires et micro-inflammations. Nous allons effectuer un travail de rééducation mais aussi de rapport et de positionnement par rapport à l’instrument, qui peut avoir des répercussions et être à l’origine de tensions et douleurs. C’est également une approche ostéoarticulaire bien que différente d’un effort très intense, très ample, avec des vitesses très importantes et des chocs violents.
Nous veillons également à la santé générale des étudiantˑes qui évoluent dans des cursus dont découlent des intensités, des exigences qui se recoupent. Il faut donc porter attention à leur bien-être global, sans oublier la dimension mentale et sociale, et c’est notamment sur cette dernière problématique que danseurˑses et musicienˑnes se retrouvent. L’objectif du pôle santé est donc de répondre au mieux à l’ensemble des problématiques des étudiantˑes, qu’elles soient physiques, morales ou sociales.
La mise en œuvre de cette politique en matière de santé est ambitieuse et nouvelle dans l’histoire du Conservatoire. Les étudiants sont-ils associés à la mise en œuvre de ce dispositif ?
Marine : Nous appartenons à une communauté universitaire et dans le cadre de leur inscription, chaque étudiantˑe cotise à la CVEC (Cotisation de vie étudiante et campus). Le Conservatoire décide de l’usage de cette cotisation lors d’une commission CVEC composées de représentantˑes étudiantˑes.
Parmi les demandes formulées à cette occasion par les étudiantˑes figuraient les questions de précarité sociale en lien avec la santé, conduisant notamment à la mise en place de plusieurs dispositifs tels que l’installation de distributeurs de protections hygiéniques gratuites, l’aide au financement de protections auditives pour tous les étudiantˑes, etc.
En interne, le service des affaires scolaires assure également un lien avec tous les acteurˑrices de la santé au Conservatoire pour identifier les étudiantˑes qui, par leurs situations financières, rencontrent des difficultés en lien avec leur santé, à l’aide des données recueillies lors de demandes de bourse et d’aide au logement.
Thomas : Chaque année, nous nous fixons de nouveaux objectifs concernant les dispositifs et ressources de prise en charge. C’est enfin dans le cadre de nos divers échanges que le retour des étudiantˑes sur ce que nous leur proposons, les éventuels manques et leurs besoins peut avoir un impact.
Avez-vous identifié d’autres particularités de besoins de la part des étudiantˑes du Conservatoire en matière de santé ?
Marine : La question de la durabilité évoquée dans le projet d’établissement est omniprésente. Les étudiantˑes sont extrêmement attentifˑves aux questions de développement durable au sens extrêmement large, et notamment à la problématique de la longévité de carrière.
Thomas : L’objectif du pôle est de les accompagner dans cette démarche afin qu’ils apprennent à gérer leurs blessures et à consulter des intervenants adaptés aux difficultés rencontrées.
Notre approche privilégie également la prévention : l’idée est de leur donner toutes les clés de préparation physique générale afin de prévenir tout risque de blessure, en préparant le corps à l’activité. L’apprentissage lié à l’écoute du corps permet aussi de distinguer une douleur « banale », liée à l’activité physique et que tous les sportifˑves ont, d’une douleur qui peut être inquiétante, dans la durée ou dans l’intensité, et qui nécessite de consulter. Et cette démarche concerne tant les danseurˑses que les musicienˑnes.
Marine : Il est important de mentionner que pour Cédric Andrieux, directeur des études chorégraphiques à l’origine de la construction du pôle santé dédié aux danseur.ses, comme pour l’ensemble des équipes du Conservatoire et le pôle santé, la thématique de la santé est une réelle priorité. Le pôle est donc particulièrement attentif à prioriser et préserver la santé des individus sur toute autre activité.
Thomas : Ce critère était effectivement indispensable à mon arrivée : la santé est prioritaire sur le cours de danse. Il est en effet impensable qu’unˑe étudiantˑe ne vienne pas consulter en raison d’un cours. S’il doit consulter, c’est que la question se pose de savoir s’il est apte à travailler. Il encoure le risque de se blesser de manière sévère et ainsi de manquer toute une saison. Le Directeur des études chorégraphiques a été assez réactif à ce sujet puisque qu’il a conscience de l’intérêt d’un pôle médical au sein d’une compagnie ou d’une école.
Aujourd’hui, nous identifions deux catégories d’étudiantˑes : les nouveauxˑvelles arrivantˑes qui nous sollicitent très peu car toujours dans le schéma de pensée qu’un danseur doit souffrir, et les plus ancienˑnes qui eux nous sollicitent régulièrement, et plus aisément.
Marine : Nous retrouvons également ce schéma sur la santé psychologique. Lorsque nous avons mis en place les consultations avec nos partenaires de La Troisième rive, beaucoup de musicienˑnes et danseurˑses annulaient leurs rendez-vous au dernier moment par crainte de rencontrer une difficulté avec l’enseignantˑe. Les autoriser à s’absenter pour des sujets de santé quels qu’ils soient est réellement prioritaire.
Thomas : En ce qui concerne la danse, cette approche commence à être bien assimilée puisque le pôle santé a connu une certaine expansion. Nous aurons très probablement le même résultat dans quelques années avec les muscienˑnes.
Comment est organisé le pôle santé et qui sont les professionnelˑles qui œuvrent pour la qualité de vie étudiante ?
Thomas : Le pôle santé est composé de plusieurs spécialistes vacataires : un médecin spécialiste du sport, une kinésithérapeute effectuant également de la préparation physique, une kinésithérapeute ostéopathe, une kinésithérapeute spécialisée pour les musicienˑnes, une diététicienne nutritionniste, De plus, un.e infirmier/ère à temps plein est en cours de recrutement, et des psychologues partenaires de La Troisième Rive sont présents au Conservatoire deux fois par mois.
En plus de cette équipe, nous avons constitué un réseau de consultation à l’extérieur du Conservatoire. Ainsi, les étudiantˑes peuvent consulter divers spécialistes, que ce soit pour des bilans cardiologiques de début de saison, des consultations avec nos partenaires psychiatres, des gastroentérologues, des gynécologues, etc. Nous travaillons également avec des radiologues du sport pour prendre en charge très rapidement les étudiantˑes en imagerie, et des chirurgiens si besoin. Ce réseau libéral permet aux étudiantˑes d’être pris en charge dans des délais beaucoup plus brefs qu’en passant par le circuit classique de prise de rendez-vous.
Quels sont les prochains objectifs fixés par le pôle santé ?
Marine : Parmi les projets à venir figure la mise en place dès la rentrée prochaine d’une série d’interventions sur des thématiques de santé, telles qu’une action relative à l’usage des bétabloquants : quels sont les risques, les bénéfices et dans quel cadre les utiliser ?
Et nous poursuivons Thomas et moi notre travail de structuration d’un pôle santé des étudiants avec l’ambition de réunir tous les acteurs de la santé au sein d’un même espace et de confier leur coordination à Thomas.
Comment les étudiantˑes peuvent-ils se rapprocher des professionnelˑles du pôle santé ?
Marine : En ce qui concerne la danse, les étudiantˑes souhaitant prendre rendez-vous doivent en faire la demande auprès des surveillants : cela permet une traçabilité indispensable puisque la plupart sont mineurˑes.
Les étudiantˑes musicienˑnes peuvent prendre rendez-vous :
- directement auprès de l’infirmier.ière,
- directement auprès de Coralie Cousin, notre kinésithérapeute spécialisée pour les musiciens,
- directement auprès La Troisième Rive, structure de soutien psychologique par mail et téléphone.
Les informations de rendez-vous ne sont visibles ni pour l’administration ni pour les enseignantˑes. Lorsqu’unˑe étudiantˑe prend rendez-vous au pôle médical sa démarche reste confidentielle. Nous préservons ainsi le secret médical.
+ Informations pratiques
- Pour prendre rendez-vous avec l’infirmière du Conservatoire de Paris, composez le 01 40 40 47 73
- Pour prendre rendez-vous avec Coralie Cousin, kinésithérapeute spécialisée pour les musiciens, cliquez ici
- Pour prendre rendez-vous avec La Troisième Rive, cliquez ici