Le parc instrumental du Conservatoire maintenant accessible en ligne
Mis à jour le 15 février 2022
C’est une démarche inédite de la part du Conservatoire de Paris : l’ensemble du parc instrumental est maintenant catalogué et directement accessible en ligne, depuis le site internet. Julien Dubois, responsable de cette collection vivante au service des talents du Conservatoire, souligne dans cet entretien l’importance de la mise à disposition d’une telle ressource.
« La diversité d'instruments qu’il propose et le niveau de qualité des instruments rendent ce parc particulièrement unique. » Julien Dubois, responsable du parc instrumental
Pouvez-vous tout d'abord nous présenter l’équipe et nous dire en quoi consiste le parc instrumental ?
Le parc instrumental du Conservatoire de Paris est composé de deux pôles : premièrement l'atelier piano, pour lequel on a deux techniciens permanents qui travaillent avec une équipe d'accordeurs prestataires extérieurs qui sont présents tous les matins, et une apprentie. L'autre pôle est le parc orchestre et prêts, qui possède tous les autres instruments qui ne sont pas des claviers et qui sont mis à disposition pour les besoins pédagogiques : prêts aux étudiants, besoins de production et prêts longue durée d’instruments plus spécifiques que les étudiants n'ont pas forcément les moyens d'acquérir, de type clarinette basse, flûte piccolo, etc. Nous avons aussi un parc de beaux violons et violoncelles qui sont prêtés à des étudiants.
Le parc est régulièrement renouvelé, avec des départs d'instruments devenus obsolètes et l'acquisition de nouveaux. Comment décidez-vous de l'acquisition de tel ou tel nouvel instrument ? Quels sont les critères de sélection ?
Nous avons deux façons de procéder : la première, qui est la plus fréquente consiste à répondre aux demandes formulées par les professeurs pour des besoins typiquement pédagogiques. Ces différents besoins sont ensuite centralisés et donne lieu à une priorisation. La deuxième consiste à répondre, notamment pour les besoins de production, aux manques éventuels de certains instruments pour des orchestres, ou aux besoins de renouvellement de certains instruments, afin d’améliorer la qualité du parc.
La façon la plus courante d'acquérir des instruments consiste à passer par les marchés publics : on a des appels d'offres réguliers qui permettent d'acquérir un certain nombre d'instruments. Ce sont souvent des instruments qui sont manufacturés, qui figurent au catalogue de revendeurs. Pour des instruments plus spécifiques on peut faire des appels d'offres plus ciblés sur certains facteurs, pour concevoir avec eux des instruments qui ont une technicité ou une historicité vraiment particulière.
Il y a une donnée importante aussi, ce sont les dons d'instruments. Récemment cela nous a permis d'acquérir une harpe Erard du début du 20e siècle par une ancienne étudiante du Conservatoire de Paris et qui a eu une carrière de concertiste au début du 20e siècle. Nous avons aussi quelques violons qui ont été acquis par l'intermédiaire de legs, comme un violon du luthier Guadagnini. Les instruments peuvent aussi servir de base à la commande de copies : nous sommes en train de faire un outil pédagogique sur la base de cet instrument original de Guadagnini qui date du milieu du 18e siècle. Nous en faisons fabriquer un fac-similé moderne et deux restitutions baroques, pour avoir des instruments avec les caractéristiques de l’époque telles que les luthiers peuvent l’imaginer.
Via le catalogue maintenant présent sur le site internet, vous rendez accessible quelque chose qui ne l'était pas avant. En quoi est-ce important de partager une telle ressource ?
Dans la mesure où nous avons à peu près 6 000 références dans l’inventaire du parc instrumental, les étudiants pouvaient passer à côté de nombreux instruments que l’on a et quitter le conservatoire en réalisant que s'ils avaient su 2, 3, 4 ans plus tôt en arrivant au Conservatoire qu’il y avait tel ou tel type d’instruments, ils auraient pu les utiliser, explorer aussi d'autres interprétations avec des instruments différents. L'idée c'était donc de rendre cette ressource accessible au plus grand nombre, et de faire en sorte que dès la rentrée au Conservatoire, ils puissent avoir un outil qui réponde à leurs besoins en production, ou leur permette de concevoir des programmes pour les récitals, par exemple.
Cette ressource est importante pour les compositeurs également : on a une telle diversité d’instruments qu’ils se focalisent parfois uniquement sur certains types. On a organisé ces catalogues de façon que tous puissent accéder facilement à l'information, avec des thématiques particulières. On peut très bien imaginer qu’un compositeur par exemple utilise des claviers anciens, qui sont très utilisés par le département de musique ancienne, mais qui peuvent être une richesse insoupçonnée pour ces compositeurs.
On peut facilement imaginer la difficulté que peuvent avoir les élèves à accéder à de très bons instruments, alors qu'ils sont toujours en apprentissage. Et vous, vous leur permettez via ce parc l'accès à des instruments parfois exceptionnels. Comment percevez-vous leur ressenti, face à une telle opportunité ?
Le ressenti peut être très différent d'un étudiant à l'autre en fonction de sa discipline et de ses besoins. On met à disposition des instruments dans différentes optiques : celava du prêt de piano dans les résidences ARPEJ Est et Ouest, qui sont des prêts gracieux pour les étudiants en priorité pianistes, jusqu'à des prêts plus quotidiens pour les saxophonistes par exemple, qui peuvent avoir besoin d'un saxophone soprano, baryton qu’ils ne possèdent pas.
Certains instruments exceptionnels aussi sont prêtés, de type violon Guadagnini par exemple, et qui sont des instruments de référence. Cela permet à des étudiants qui ont des difficultés financières d'avoir un petit coup de pouce le temps de trouver les ressources pour pouvoir acquérir leur propre instrument.
Si les étudiants ont des besoins spécifiques, comment doivent-ils procéder pour vous contacter ?
Les étudiants peuvent venir nous voir pour discuter directement de leur besoin, mais ils peuvent également nous joindre par téléphone ou par mail pour toute information ou réservation d’instruments.
Ce qui est très important et qui se développe de plus en plus, c'est qu'on n'est pas juste un espace de collecte et de restitution d’instrument, mais aussi un espace de ressources sur lequel ils vont pouvoir obtenir des informations historiques, sur l’entretien des instruments qui leur sont confiés, pourquoi pas leurs propres instruments et aussi discuter avec nous de l’aménagement possible de certains instruments pour pouvoir travailler de nouveaux répertoires. Il arrive même régulièrement que l’on crée des petits instruments de percussion pour les récitals qui sont donnés au Conservatoire.
Qu'est ce qui caractérise le parc instrumental du conservatoire ? Qu’a-t-il de singulier par rapport à d'autres établissements, d’autres environnements professionnels ? Est-ce qu'il a quelque chose d'unique qui lui est propre ?
La diversité d'instruments qu’il propose et le niveau de qualité des instruments rendent ce parc particulièrement unique. On essaie de développer de plus en plus les instruments qui ont pu être oubliés par exemple, pour les remettre à l'ordre du jour et faire en sorte qu'ils soient partagés. Un des objectifs du catalogue est aussi de pouvoir décloisonner l'utilisation par rapport à des pratiques vraiment ciblées et de faire en sorte que des départements qui n’avaient pas accès à certains types d'instruments puisse dorénavant y accéder.
Quels sont les principaux défis du parc instrumental ?
L'entretien est le premier défi. Maintenir un niveau de qualité qui réponde aux exigences des étudiants et des professeurs, c'est vraiment le combat quotidien.
Il faut aussi être en capacité de répondre à des urgences : lors d’une panne ou casse d'instrument, il faut pouvoir fournir un instrument de remplacement dans les meilleurs délais. Il faut aussi anticiper sur l’évolution des pratiques, et pouvoir susciter des vocations par l'utilisation des instruments.
Nous avons développé tout un pan pédagogique grâce à la création de disciplines complémentaires imposées en piano, en violon ainsi qu’une sensibilisation aux enjeux de facture instrumentale en orgue et en percussion, pour que les étudiants aient cet accès aux connaissances organologiques, historiques et aux enjeux d'entretien et de conservation des instruments. Cela permet d'ouvrir pas mal de perspectives et d’accroître aussi le lien qu’il peut y avoir entre l'utilisateur, son instrument au quotidien et les agents du parc instrumental
Le parc instrumental est au service de la pédagogie du conservatoire, mais il intervient aussi dans un écosystème avec le monde professionnel. Il y a cette ouverture en termes de partenariat, avec les facteurs d'instruments, la formation, les apprentis par exemple. Comment fonctionne cet écosystème ?
Cela passe beaucoup par le développement de partenariats et de collaboration avec d’autres structures, des conservatoires, mais aussi des partenariats de recherche. Avec le Musée de la Musique par exemple, on va collaborer pour pouvoir faire un échange de compétences entre les instruments qu'ils peuvent avoir, l'analyse qu’ils peuvent fournir et pour nous, la mise en relation des professeurs, des étudiants aussi et des luthiers sur des commandes d’instruments.
Actuellement nous collaborons avec le Musée sur deux sujets : l'entretien des ondes Martenot, qui représente un vrai enjeu parce qu'on doit presque faire de « l'archéologie musicale » pour pouvoir retrouver et reconstruire des pièces qui ne sont plus fabriquées depuis près d’un siècle maintenant. L'autre sujet porte sur les archets : on a commencé la copie d'archets conservés au Musée de la Musique, que l’on va faire fabriquer pour le Conservatoire pour mettre à disposition en particulier de la classe d’option violon baroque des violonistes modernes et on mettra ensuite ces instruments à disposition du Musée pour qu'il puisse les étudier et juger des différences entre l'original et la copie. Nous avons l’idée de pouvoir faire des tests acoustiques en mettant en situation de jeu ces archets. Très peu de structures font ce type de démarche.
Nous avons aussi la chance d’avoir d'autres ressources à disposition du parc. Je pense par exemple à un projet d'enregistrement qui est mené en lien avec le département du son, de faire un enregistrement pour illustrer la différence qu'il y a entre différents tempéraments. On va enregistrer une pièce de musique ancienne, une sur orgue, l’autre sur clavecin. La même pièce va être enregistrée avec 3 tempéraments différents, et ces ressources seront amenées à être partagées via l'espace numérique qui va être mis en place.
L'idée à terme c'est aussi de pouvoir illustrer le catalogue d'un point de vue sonore grâce à tous les enregistrements qui ont pu être réalisés et qui vont être réalisés dans les années à venir, pour avoir quelque chose de plus interactif. Le catalogue tel qu'il existe actuellement va encore évoluer, il va être complété avec d'autres informations techniques et historiques et des photos aussi, qui manquent parfois et qui permettent une meilleure identification visuelle.
Nous avons également pour projet de travailler avec le département de musicologie, pour pouvoir avoir dans certains cas un déroulé de la vie de l’instrument en lien avec son propriétaire, parce qu'il arrive que ces derniers aient fait leurs études au Conservatoire, ou ont une carrière professionnelle en lien avec le Conservatoire. Donc il y a aussi l'idée de faire des recherches sur l'évolution de la pédagogie via les instruments.
Et pour terminer : quel est votre instrument préféré dans ce catalogue ?
Probablement un piano qui n’est pas encore arrivé, un Pleyel de 1844. J'aime beaucoup cet instrument parce qu’il a été acquis pour la classe de piano forte mais il permet aussi de toucher d'autres pianistes, notamment les pianistes modernes. Nous n’avions pas d'instruments de l'époque de Chopin, qui permette d’interpréter ce compositeur sur un piano de son époque. Par ailleurs on sait que cet instrument a été touché par Chopin, qui touchait une commission à l’époque pour vendre des pianos à ses élèves, et nous avons gardé la liste des pianos sélectionnés par Chopin et joués par lui. Et celui-là en fait partie !
POUR ALLER PLUS LOIN
Le parc instrumental, c’est…
- 3000 instruments (hors instruments d’éveil musical, appeaux…),
- 6000 articles référencés au total (incluant les « petits instruments » et accessoires : stands, pieds, etc.).
263 claviers dont :
- 64 pianos droits
- 140 pianos à queue, dont 9 pianos de concert
- 11 orgues (4 orgues d’études, 2 grandes orgues, 4 positifs, 1 petit orgue historique italien)
- 1 harmonium
- 28 clavecins
- 5 ondes Martenot
- 4 célestas
- 5 pianofortes
- 6 pianos « romantiques », dont 1 piano pédalier
- 3 clavicordes
Le message de Julien Dubois aux étudiants du Conservatoire
« Venez librement au parc pour discuter et essayer des instruments, peu importe leur type. Nous sommes là pour faciliter vos démarches d’accès aux instruments, mais aussi pour vous accompagner afin que vous puissiez explorer. Profitez de votre présence au Conservatoire pour explorer un maximum de choses et essayer un maximum d’instruments ! »
Pour accéder aux catalogues en ligne, cliquez sur ce lien.