Formation au CA : les atouts du dispositif de VAE
Mis à jour le 27 novembre 2023
Entretien avec Marianne Salmona, pianiste, enseignante, doctorante lauréate de la bourse de recherche doctorale Musique – Recherche et Pratique de la Fondation Etrillard.
Tout juste diplômée de la formation au CA suite à une validation partielle via la VAE, elle nous fait part de son expérience de ce dispositif.
Pouvez-vous présenter votre parcours ?
J’ai débuté mes études à Paris puis après l’obtention de mon baccalauréat, je suis partie faire mes études à l’étranger, à l’Université des Arts de Vienne. Je suis finalement restée sept ans en Autriche, car ce lieu m’a beaucoup plu, j’y ai trouvé un grand confort de vie et du travail. J’ai donc initié ma carrière professionnelle là-bas, pour ensuite partir travailler en Allemagne durant deux ans. C’est avec l’arrivée du Covid que, comme nombre d’expatriés, j’ai finalement décidé de rentrer en France.
Malgré les difficultés liées à cette période de pandémie, j’avais à l’esprit de continuer les deux activités professionnelles que j’avais toujours pratiquées : jouer et enseigner. Je savais qu’en France les diplômes d’enseignement ont une certaine importance, c’est pourquoi je me suis tournée vers la formation en CA proposée par le Conservatoire, dans le même temps que l’entrée en doctorat d’interprète, car la recherche m’intéresse aussi beaucoup.
Quel est le sujet de votre doctorat ?
Je me concentre sur la narrativité et l’interprétation dans le cadre des pièces courtes du romantisme allemand. Un sujet passionnant, mais qui prend effectivement du temps ! C’est un doctorat en partenariat avec l’Université Panthéon-Sorbonne, qui est un dispositif très intéressant selon moi pour celles et ceux qui souhaitent dans le même temps être concertistes et cultiver leur curiosité.
La formation pédagogique au CA s’est donc greffée sur ce doctorat, ce qui n’était pas toujours évident à gérer puisque c’était une période très intense, mais qui a permis à ces deux activités de se nourrir l’une de l’autre : j’ai trouvé beaucoup d’interactions entre elles deux.
Sachant que mon activité professionnelle d’enseignante également est chronophage, tout l’enjeu est donc de conserver un certain équilibre.
Pourquoi avoir formalisé cette démarche de candidature à la formation au CA ?
En 2019-2020, j’avais déjà pour projet de revenir en France et j’ai appris que la première session de VAE était ouverte au Conservatoire de Paris.
Ayant toujours enseigné (j’ai notamment débuté avec l’éveil musical, mais aussi le piano) je me suis intéressée à ce dispositif. J’ai premièrement hésité à m’y présenter, car je me demandais s’il fallait nécessairement avoir enseigné dans un conservatoire français, ce qui n’était pas mon cas puisque j’habitais à l’étranger depuis dix ans. J’ai appris que j’y étais tout de même éligible, cependant, puisque j’avais beaucoup enseigné en associatif et en cours privés, il m’a fallu demander à tous mes élèves des attestations afin de justifier du nombre d’heures minimum permettant l’éligibilité à la VAE.
Mon dossier a été sélectionné, puis après un entretien, j’ai obtenu la validation d’une VAE partielle, soit environ la moitié du diplôme, dont de nombreux enseignements théoriques. Ensuite, j’ai pu intégrer la formation en CA et compléter ce que je n’avais pas obtenu par la VAE.
La possibilité d’une obtention partielle par la VAE a-t-elle influencé votre motivation ?
Oui tout à fait, car je connaissais de nombreux alumni de cette formation au CA, je savais donc qu’il s’agissait d’une formation dense et chargée. Je me demandais, même si j’avais plusieurs années d’enseignement derrière moi, si j’avais cette légitimité à la VAE, par rapport à d’autres candidatˑes comme des professeurˑes de longue date de grands conservatoires par exemple, qui se sont présentéˑes également, afin d’honorer leur carrière par ce diplôme.
J’ai appris qu’il était possible de valider partiellement les enseignements du diplôme, je me suis donc dit que je n’avais rien à perdre à tenter et que cette expérience ne pouvait être que positive.
Le jury scrute notre parcours dans les moindres détails et si l’on peut faire valoir certains acquis, il faut en profiter. Lorsqu’on a déjà travaillé, c’est une reconnaissance de ce que l’on a fait jusqu’ici.
Comment s’est structurée la partie formation au CNSMDP ?
Pour l’instant, je crois avoir été la seule à suivre ce dispositif, c’était donc quelque peu inédit !
J’ai échangé avec l’ensemble des enseignantˑes de la formation au sujet des différentes disciplines déjà validées puis, s’agissant d’un dispositif très technique, avec des livrets de formation et de VAE, avec des ECTS, il a fallu tous les traduire. Les différentes matières ont donc été adaptés à mon profil et les heures à effectuer appréciées par chaque enseignantˑe.
En quoi ce dispositif est un avantage selon vous ?
Au cours de mes études universitaires de littérature j’ai développé de nombreuses ouvertures esthétiques, j’ai notamment pu suivre des cours de littérature comparée. Je bénéficiais donc déjà d’une certaine ouverture à l’esthétique et à la culture musicale, enseignements que l’on a bien sûr dans le cadre de la formation. Les faire valider par la voie de la VAE m'a permis de libérer du temps.
Aussi, ce qui a été extrêmement pratique et m’a permis de développer ma vie professionnelle ici, c’est qu’ayant déjà réalisé plusieurs mémoires universitaires, j’étais dispensée du mémoire de pédagogie. J’ai pu travailler, faire des concerts, enseigner, et cela est très précieux. Le temps consacré à la recherche est assez conséquent : cette dispense m’a permis d’avancer dans ma vie professionnelle tout en passant le diplôme.
Que vous a apporté la formation suivie au Conservatoire et quel(s) enseignement(s) spécifiques en avez-vous tiré ?
J’ai beaucoup appris de cette formation et de ses enseignements. Je pense tout particulièrement au cours de didactique, parce que c’est réellement le cœur du sujet de l’enseignement. Je suis très heureuse d’avoir suivi cet enseignement de qualité et d’avoir pu le faire dans de bonnes conditions, car ayant moins de théorique à côté, j’ai pu pleinement m’y consacrer et y apporter une certaine disponibilité.
Vous a-t-elle amenée à porter un regard différent sur votre travail pédagogique ?
Bien sûr, c’est toujours une remise en question et surtout, ce qui est intéressant avec cette formation, c’est que l’on intègre une promotion. Les professeurˑes nous proposent des cours très intéressants qui nous sont dédiés, et nous suivent extrêmement bien.
Au sein de ma promotion, nous étions une dizaine de pianistes, avec des profils très divers. Certainˑes enseignaient depuis des années, d’autres n’avaient jamais enseigné… Cela permettait de se confronter à d’autres regards. Cette formation a créé des liens, on se remplace déjà les uns les autres, je pense qu’il s’est formé une solidarité professionnelle que l’on conservera. C’est une notion assez importante selon moi.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
L’enseignement a toujours fait partie de moi, cependant je ne me vois pas enseigner sans jouer, car je pense que pour être un ou une bonˑne enseignantˑe, motivantˑe, il faut être inspiréˑe et heureuxˑse dans sa vie d’artiste aussi.
Le plus difficile est de trouver un équilibre : il est facile d’être attiréˑe d’un côté et de délaisser l’autre. Il faut trouver la bonne formule, celle qui permet d’avoir à la fois le temps de se consacrer à des projets à l’extérieur et d’être investiˑe auprès de ses élèves. C’est là le challenge !
Où enseignez-vous aujourd’hui ?
Je suis actuellement accompagnatrice de danse au Conservatoire d’Ivry-sur-Seine et professeure remplaçante au CRR de Créteil; j'aimerais pouvoir trouver un poste fixe comme enseignante à l'issue de ces quelques mois de remplacement.
Comment encourageriez-vous les candidatˑes potentielˑles à s’engager dans ce parcours ?
Je dirais que quelque part, on a toujours plus d’expérience que ce que l’on pense. Même si la VAE a un coût, si l’on a déjà enseigné, ce qui est tout de même le cas de nombreuxˑses musicienˑnes, il y a toujours quelque chose à valoriser dans son parcours. Je pense qu’il est important de le faire reconnaître publiquement et de pouvoir gagner du temps pour développer quelque chose à côté.
Il ne faut pas hésiter à se tourner vers ces dispositifs et plus nous le faisons jeunes, plus les possibilités s’ouvrent à nous, pour cette formation comme de manière plus générale, pour le dispositif de la VAE. On peut avoir 22-23 ans, avoir déjà enseigné quelques années et pouvoir valider certaines compétences. Il ne faut donc pas hésiter et présenter un dossier !
© Andrej Kasik
La Fondation Etrillard, mécène du doctorat Musique – Recherche et Pratique
La Fondation Etrillard a pour but de valoriser les recherches mettant en lumière l’héritage européen pour lui redonner une nouvelle vie.
Portée en partenariat avec Sorbonne Université, cette bourse annuelle est octroyée à un ou une interprète-chercheur, ayant intégré sur concours le 3e cycle supérieur – Doctorat du Conservatoire de Paris et dont le travail nourrit la réflexion, les connaissances et les pratiques sur l’art de l’interprétation, du répertoire, de la création ou de l’organologie.
Marianne Salmona est la troisième étudiante à bénéficier de cette bourse, après Antoine Laporte et Macha Kanza.