Curieuse de découvrir et de partager d’autres formes d’expression artistique telles que la poésie, la peinture ou encore le cinéma, la pianiste japonaise Satsuki Hoshino se forme en France afin de travailler l’improvisation au piano. Elle est admise à l’unanimité dans la classe de Jean-François Zygel. Elle travaille pour le cinéma en collaborant avec la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé dans le cadre des ciné-concerts, et est invitée régulièrement par de nombreux festivals. En 2017, Satsuki Hoshino apparaît dans des émissions de télévision au Japon (NHK). On l’y présente comme une jeune pianiste au talent remarquable.

Improvisation sur Les Illuminations de Rimbaud

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Depuis mon plus jeune âge, lorsque je regarde une peinture, j’entends spontanément des sons et des fragments musicaux. Depuis longtemps, chaque fois que je déchiffre un nouveau morceau, quand je perds la concentration, j’improvise inconsciemment en imaginant la suite du morceau. Peut-être est-ce là ma première rencontre avec l’improvisation, mais je n’ai jamais imaginé qu’on puisse apprendre l’improvisation, ni que l’improvisation au piano obéisse à une quelconque discipline. Après avoir obtenu mon diplôme de licence en piano, je me suis trouvée confrontée par hasard à l’improvisation en tant que discipline, j’ai eu envie de mieux la comprendre et d’explorer en profondeur cette capacité si naturelle pour moi.

Par ailleurs, je porte beaucoup d’intérêt aux expériences artistiques multisensorielles, comme celles qui impliquent l’œuvre d’art total. J’aimerais intensifier l’expression artistique en fusionnant deux arts et deux domaines différents : j’ai choisi la musique et la poésie. Afin de fusionner ces deux formes d’expression artistique, j’ai choisi l’improvisation plutôt que la composition, parce que je voulais exprimer des impressions instantanées. Quand on lit un poème, l’impression peut changer à chaque lecture, en reflétant ses sentiments et sa situation à ce moment. De manière similaire, l’improvisation change à chaque interprétation. Ce qui m’attire dans l’improvisation, c’est sa fugacité et sa fragilité. L’improvisation est une musique ce qu’on n’a pas encore entendue et qu’on n’entendra jamais.

L’improvisation est une circulation permanente entre la production des sons, l’écoute, la perception, et l’inspiration. La source de l’inspiration n’est pas seulement l’imagination ; l’expérience et les connaissances occupent aussi une place importante. Lorsqu’on improvise, on produit en effet inconsciemment des « construits » à partir d’éléments de technique et de théorie digérés au préalable. L’improvisation peut se produire ex nihilo, car c’est une création comportant une part de hasard. Elle s’entoure d’aléatoire, sur l’inspiration du moment.

De l’improvisation on pourrait dire que la composition s’y fait dans l’instant.

Cet « art de l’instant » évoque un poète : Arthur Rimbaud. Il a écrit ses premiers poèmes à quinze ans, et à l'âge de vingt ans, il renonce subitement à l’écriture. Sa vie est fulgurante et éphémère. Stéphane Mallarmé, qui a également marqué la poésie française de la seconde moitié du XIX^e siècle, a comparé Rimbaud à une étoile filante, « Éclat, lui d’un météore, allumé sans motif autre que sa présence, issu seul et s’éteignant. »

Pendant le confinement, je relisais les Illuminations de Rimbaud qui m’inspirent beaucoup. Les inspirations orientent chacune de nos lectures. Cette fois, ce sont les deux dernières phrases d’un poème qui se sont gravées dans mon esprit :

« Enfant, certains ciels ont affiné mon optique : tous les caractères nuancèrent ma physionomie. Les Phénomènes s'émurent. – À présent, l’inflexion éternelle des moments et l’infini des mathématiques me chassent par ce monde où je subis tous les succès civils, respecté de l'enfance étrange et des affections énormes. -–Je songe à une Guerre de droit ou de force, de logique bien imprévue.

C’est aussi simple qu'une phrase musicale. »

– Guerre dans Les Illuminations, d’Arthur Rimbaud

On a dit que le coronavirus était la crise la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale. On pourrait dire que cette pandémie est comme une guerre entre les humains et le virus. On prédit partout que la pandémie aura des conséquences imprévues, mais ironiquement, le cours des événements présente tout de même une certaine « logique ». On ne sait pas exactement quand nous serons débarrassés de la pandémie ; sans doute sommes-nous loin d’en avoir fini. Puissent les phrases musicale qui vont suivre être un signe de paix et d’espoir : je vais improviser sur quelques poèmes des Illuminations, en m’efforçant de traduire le fruit de l’imagination poétique en œuvre musicale.

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